Revenir au site

100 ans de Lincoln!

texte d'Éric Descarries

14 février 2022

Le 4 février dernier, la Ford Motor Company fêtait le 100e anniversaire du rachat de la marque Lincoln de son fondateur Henry Leland. Sachez que ce fut ce même Henry Leland qui avait, plusieurs années auparavant, fondé la marque Cadillac avant de la vendre à William Durant afin qu’il compose sa propre compagnie, la General Motors.  

C’est donc en 1917 que Leland (né à Danville au Vermont et dont le père conduisait des chariots de Boston à Montréal) décida de construire sa propre automobile de luxe après avoir terminé son association avec Cadillac. Il avait auparavant conçu le moteur d’avion Liberty. Fort d’un prêt du gouvernement américain, il entreprend de mettre son entreprise sur pied, la Lincoln Motor Company (Abraham Lincoln ayant été le premier président pour qui Leland avait voté). Il ne tardera pas à rebaptiser l’entreprise du nom de Lincoln MotorCar Company.  

Henry Ford debout devant son fils Edsel signant l’acte d’achat de la compagnie Lincoln MotorCar d’Henry Leland debout (à droite) devant son fils.

Le premier modèle de Lincoln, la L (pour Leland) voit le jour mais l’auto est trop coûteuse. En 1920, son administration quitte le navire et Leland doit vendre son entreprise. Éventuellement, ce sera Henry Ford qui, poussé par sa femme et son fils Edsel, mettra la main sur l’entreprise le 4 février 1922. Leland en demeurera président alors qu’Edsel en est le vice-président. Mais, la pression est trop vive pour l’homme de près de 80 ans et il prend sa retraite en juin 1926 (Henry Leland est décédé à Detroit en 1932 à l’âge de 89 ans). 

 

Les premières Lincoln modèle L étaient de grandes voitures de luxe.

Puis vinrent les prestigieuses Lincoln KB. 

La marque Lincoln continuera à s’imposer sur le marché américain des voitures de grand luxe. Mais la Grande Dépression économique est venue brouiller les cartes et la plupart des grandes marques américaines (Duesenberg, Auburn, Cord, Pierce-Arrow et autres) ont dû fermer éventuellement leurs portes. Cadillac a survécu parce que la marque faisait partie du groupe General Motors. Quand à Lincoln, maintenant sous la gouverne du très brillant Edsel Ford, la marque prend une toute autre direction. 

La Continental 1941 basée sur la très avancée Lincoln Zephyr. 

Malgré que la production des très grandes Lincoln ait duré jusqu’en 1940, c’est en 1937 qu’Edsel mit sur le marché une version plus modérée (et moderne) de la marque, la Zephyr. Reprenant certaines composantes des Ford, la Lincoln Zephyr avait alors sous son capot un nouveau V12 basé sur l’architecture des célèbres V8 Flathead de Ford. Et, c’est à partir de la Zephyr qu’Edsel fera construire un des grands classiques américains de l’automobile, la Continental! Les deux marques cohabiteront jusqu’en 1948. 

Les Lincoln étaient en compétition au début des années cinquante.

En 1949, maintenant sous la direction d’Henry Ford II (Edsel est décédé en 1943 et son père Henry en 1947), la marque Lincoln adoptera un style encore plus moderne, celui des nouvelles autos d’après-guerre. En 1952, la Lincoln redevînt une grande voiture et elle fut la principale concurrente de Cadillac. Il y avait aussi sur le marché des Packard et des Hudson mais ces marques disparurent au milieu des années cinquante. Ironiquement, les deux marques ont aussi laissé leur trace en compétition automobile. En 1959, il n’y avait plus que les Cadillac et Lincoln qui se disputaient le marché des autos de grand luxe (Chrysler leur avait opposé l’Imperial mais sa diffusion ne fut pas un grand succès commercial). On se souviendra de la grande bataille des ailes surdimensionnées de la fin des années cinquante. Notons qu’en 1956 et 1957, Ford avait tenté la commercialisation des coupés de luxe Continental avec aucune mention du nom Lincoln sauf pour l’emblème de la marque sur le capot et sur le coffre). L’auto était trop chère alors qu’une récession s’annonçait en Amérique. En passant, en 1954, Lincoln produisit un «concept car» appelé Futura. On le reverra quelque 25 ans plus tard ayant été transformé en Batmobile par le légendaire carrossier Georges Barris!

L’étude de style Futura de Lincoln deviendra éventuellement la Batmobile. 

Lincoln a tenté de créer un coupé de grand luxe en 1956, la Continental MK II mais l’aventure ne durera que jusqu’en 1957 !  

C’est en1961 que la Lincoln Continental, sous la férule du designer Elwood Engle, voit le jour. Le design de cette auto surnommée plus tard la Lincoln Kennedy (c’est à bord d’une telle Lincoln que le président américain allait être assassiné!) consacra la marque qui s’est alors plus vendue que les Cadillac. C’était, en passant, une auto avec une architecture monocoque (pas de châssis rigide) avec des portes arrière dites «suicides» dont les charnières étaient à l’arrière.

Les Lincoln des années soixante affichaient une ligne à la fois simple et très élégante, suffisamment pour en faire la voiture des présidents des États-Unis! 

Durant les années soixante, Ford recréa la Continental, cette fois la Mark III, un coupé de luxe à deux portes et, plus tard, la Versailles, une berline compacte basée sur la Ford Granada/Mercury Monarch. La crise du pétrole aidant, les voitures ont diminué de grosseur et éventuellement, la Lincoln s’est retrouvé sur un plus petit châssis avec une carrosserie moins glorieuse. On y a même vu une remplaçante de la Versailles, la Continental à traction avant. Puis, en 1998, Ford redessina la Lincoln Town Car (sur châssis de Ford LTD/Mercury Grand Marquis) qui allait gagner en popularité surtout chez les carrossiers qui les transformaient en limousines allongées. De 1998 à 2006, Lincoln produisit aussi la berline LS basés sur une plateforme de Thunderbird qui a également servi à la Jaguar Type S. 

Les dernières grandes berlines de Lincoln furent les Town Carsouvent modifiées en limousines allongées. 

Mais, le vent allait tourner. La plupart des autos américaines allaient adopter la traction avant et des moteurs V6 moins gourmands. Chez Lincoln, ce fut une moins flamboyante MKS (basée sur la Ford Taurus) avec sa version familiale plutôt bizarre, la MKT. Une plus petite Zephyr (qui allait devenir la MKZ) basée sur la berline intermédiaire Fusion de Ford allait voir le jour à la même époque.

Le grand VUS Navigator de Lincoln allait donner le ton à une nouvelle approche en matière de voitures américaines de luxe. 

En fait, le vent a vraiment tourné avec l’arrivée de l’imposant VUS Navigator en 1997, un véhicule qui a non seulement connu beaucoup de succès mais qui a aussi inspiré plusieurs autres constructeurs, même asiatiques et européens, à en faire du pareil. En 2002, Lincoln a créé, en tirage limité, la Blackwood, une camionnette pick-up qui allait devenir le Mark LT, un gros pick-up Ford F-150 avec calandre et intérieur de Lincoln. Celui-ci ne durera que trois ans. Autrement, ce fut une première transformation importante de Lincoln qui allait devenir une marque de…VUS en débutant par l’Aviator basé sur le Ford Explorer suivi du VUM MKX (qui deviendra le Nautilus) et du compacte MKC (qui deviendra le Corsair). En 2022, il n’y a plus d’automobiles Lincoln chez les concessionnaires de la marque en Amérique du Nord. Ironiquement, c’est en Chine que les automobiles Lincoln connaissent de plus en plus de popularité. D’ailleurs, il y a une toute nouvelle berline intermédiaire qui sera construite en ce pays. Basée sur la Ford Mondeo (qui s’appelait Fusion chez nous), elle s’appellera alors la…Zephyr! 

C’est en Chine que Ford produira cette nouvelle génération deZephy qui ne sera pas proposée en Amérique. 

Mais une autre révolution se pointe à l’horizon. À partir du printemps 2022, les Lincoln deviendront des véhicules électriques. Éventuellement, toutes les Lincoln seront des VUM ou VUS entièrement électriques…pour encore 100 ans? 

La prochaine lignée de Lincoln ne sera qu’électrique