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Guerre aux métaux rares: la face cachée de la transition énergétique

par Denis Duquet

4 mars 2018

Logique parfois boiteuse 

Les gouvernements emboîtent le pas et adoptent de plus en plus de législation favorisant l’électrification de notre réseau routier, parfois au détriment de la logique. Par exemple, au Québec, on a imposé des règles favorisant la commercialisation de véhicules hybrides ou électriques. On donne en plus des subsides pour ces véhicules.

L’intention est excellente, loin de moi l’idée de critiquer cet aspect. Pourtant, une compagnie comme Mazda qui ne produit aucun véhicule hybride ou électrique possède la flotte de véhicules qui pollue le moins tant au Canada qu’aux États-Unis. Pourtant, elle sera pénalisée au Québec et devra payer des amendes puisqu’elle ne produit aucun de ces véhicules dits propres aux yeux du gouvernement.

Curieusement, des constructeurs qui commercialisent de grosses camionnettes polluantes produisant beaucoup de CO2 seront exemptés de ces pénalités parce qu’ils produisent de ces voitures dites propres, même si c’est un nombre relativement faible. Parfois, la vertu est pire que le péché.

Un problème croissant

Et cette vision presque béate du futur sans pétrole met un bandeau devant les yeux des politiciens et décideurs. En effet, pour alimenter nos téléphones, nos ordinateurs portables, les voitures électriques et que sais-jr encore, il faut des piles. Et la demande ira en croissant et cela va présenter un problème d’importance. Car la production des matériaux servant à fabriquer ces piles va causer de sérieux problèmes à la planète et à l’environnement. C’est ce que souligne le journaliste français Guillaume Pitron dans son livre « La guerre des métaux rares ».

Guillaume Pitron, dès l’introduction de son ouvrage, écrit : « soutenir le changement de notre modèle énergétique exige déjà un doublement de la production de métaux rares tous les quinze ans environ, et nécessitera au cours des trente prochaines années d’extraire davantage des minerais que ce que l’humanité a prélevé depuis 70 000 ans ». Assez sombre comme prévision.

Les métaux rares

En tout premier lieu quels sont ces métaux rares ? En voici une liste partielle : graphite, cobalt, indium, platinoïdes, tungstène, lithium, terres rares.

En soi, cette énumération peut paraître bénigne, mais beaucoup de ces éléments sont relativement rares, comme leur nom l’indique, et leur exploitation n’est pas toujours correcte sur le plan de l’environnement. Les méthodes d’extraction sont agressives et il faut dans bien des cas les extraire à l’aide de substances chimiques très polluantes. Et une fois qu’on a obtenu ce que l’on recherche en fait de matériaux, le reste est tout simplement laissé sur place et les eaux d’écoulement ne sont pas traitées.

Dans certaines régions de Chine par exemple il s’est formé des lacs de ces liquides contaminés et les villages qui les entourent sont identifiés comme les villages de cancers alors que les gens qui boivent l’eau d’approvisionnement, qui respirent l’air et qui mangent les produits récoltés dans ces régions sont sujets à un nombre hors-norme de cancers.

En plus, beaucoup de ces métaux très précieux pour le futur se retrouvent en Chine. Ce qui est assez inquiétant pour l’environnement quand on sait que ce pays ne s’est pas toujours encombré de normes écologiques très strictes.

Le recyclage: un must

Et, pour l’instant, l’auteur souligne que plusieurs des piles utilisées dans les téléphones cellulaires, les ordinateurs portables et les voitures électriques ne sont pas recyclées de façon complète, ce qui contribue à une pollution environnementale qui ira en s’accroissant.

Bref, on veut remplacer un mal par un autre et on ne semble pas se préoccuper de l’avenir, concentrés que nous sommes à nous débarrasser de cet ennemi qu’est le pétrole pour embrasser les véhicules électriques dont l’alimentation par piles sera à long terme une cause de pollution de plus en plus importante si rien n’est fait.

Notre société devra prendre les mesures qui s’imposent afin de préserver notre planète non pas seulement de la hausse du CO2, mais également de la pollution causée par l’extraction de ces métaux rares et le recyclage de ces produits une fois leur durée de vie terminée. Sans cela, on va remplacer un mal par un autre. Et il faudra également trouver un moyen plus écologique d’effectuer la recharge des véhicules électriques dans les régions où les centrales thermiques sont alimentées au mazout ou au charbon. Dans ce cas, on déplace la source de pollution du tuyau d’échappement à l’usine de production électrique.

Le Québec avantagé

Cela exclut le Québec du problème. Notre province est privilégiée par des ressources hydroélectriques extraordinaires et qui font de notre province un paradis pour les voitures électriques malgré des hivers rigoureux et de longues distances à parcourir.

On sait également que la Norvège est un autre pays en mesure de favoriser la prolifération des voitures électriques en raison de sa production d’hydro-électricité. C’est vrai, mais une bonne partie des revenus de ce pays provient de la vente du pétrole de la mer du Nord qui a fait passer ce pays d’une nation relativement pauvre comptant essentiellement sur la pêche pour devenir une puissance économique grâce au pétrole. Ironique quand même !

Un auteur sérieux

Et avant de terminer, il ne faut pas croire que Guillaume Pitron est un vieux rétrograde payé par les pétrolières pour écrire ce livre. Ce brillant journaliste français de 37 ans, détenteur d’un Master de l’Université Georgetown aux États-Unis, signe ici son premier ouvrage. Il a mis six années de recherche dans cet ouvrage. La géopolitique des matières premières est un axe majeur de son travail. Il intervient régulièrement auprès du parlement français et de la Commission européenne sur le sujet des métaux rares.

Si son livre a été accueilli favorablement par la majorité des critiques, sur Facebook, plusieurs l’ont traité « de menteur visant à saboter la progression de la voiture électrique ». J’ai déjà lu cela quelque part.

Lisez le livre et décidez par vous-même.