Le marché québécois n’est pas tellement entiché de ces véhicules aux dimensions hors de l’ordinaire. Et ce pour une multitude de raisons. Nous sommes, entre autres, une province où l’agrément de conduite est privilégié tout comme la faible consommation de carburant. Des mastodontes comme le Navigator ou encore le Cadillac Escalade n’ont donc pas la faveur du grand public. En fait, ce sont surtout des personnes bien nanties qui se procurent de tels véhicules, non seulement en raison de leur luxe et de leur confort, mais également en raison de leur habitabilité et de leur capacité de remorquage.

Aux États-Unis, de tels VUS ont toujours la cote pour autant que le prix du carburant demeure raisonnable. Comme au cours des dernières années, nos voisins du Sud bénéficient de prix à la pompe très alléchant, le marché pour ces costauds n’a pas fléchi. C’est dans ce contexte que Ford et Lincoln ont développé la toute dernière génération de l’Expédition et du Navigator. Ce dernier a reçu le titre de « Camionnette nord-américaine de l’année ». Devançant son vis-à-vis chez Ford ainsi que le Chevrolet Colorado ZR2. D’accord, c’est un peu farfelu de nommer un VUS « Camionnette de l’année », mais il en est ainsi.

Avec une longueur de 533 cm et un poids total d’environ 3 tonnes, sa conduite s'apparente à celles des poids lourds ou d’un autobus. En dépit de ses dimensions, les stylistes ont réussi à donner un peu de style à cette grosse boîte sur roues. La grille de calandre attire immédiatement l’attention, ce qui évite sans doute à notre œil de continuer jusqu’à l’arrière et découvrir une longueur fort impressionnante. Il faut également souligner que les jantes en alliage sont d'un design très moderne qui ont pour effet d’alléger la vision d’ensemble. Mais, on a beau jouer d’astuce, il est impossible de raccourcir le véhicule ou de le rendre plus étroit. Mais, malgré ces dimensions, l’ensemble est passablement élégant.

L’habitacle nous propose des matériaux de qualité, une finition sérieuse et une planche de bord relativement facile à déchiffrer et à utiliser. Comme c’est dorénavant la norme chez Lincoln, la sélection des rapports s’effectue par le biais de boutons placés de façon horizontale au bas de la planche de bord, juste sous les commandes. Dans un premier temps il faut savoir où elles sont, et ensuite prendre l’habitude d’y recourir. Disons que ce n’est pas tellement intuitif.

Pour prendre place à bord, il faut lever la jambe passablement haute, mais on a eu la bonne idée de faire appel à un marchepied escamotable qui s’est révélé fort utile et, en plus, il y a une poignée pour s’agripper le long du pilier A, ce qui facilite l’accès à bord. Une poignée similaire est située sur le pilier B pour accéder aux places arrière centrales qui sont des sièges capitaine. C’est un débordement de luxe avec une console centrale permettant de gérer de multiples réglages tandis qu’un écran individuel est arrimé derrière chacun des sièges avant. On se croirait pratiquement dans un Multiplexe roulant.

Bien entendu, la troisième rangée offre beaucoup d’espace et se veut relativement confortable. Et même si celle-ci est déployée, il reste beaucoup d’espace dans la soute à bagages.

Les amateurs de moteur V8 seront déçus d’apprendre que le Navigator n’est offert qu’avec un moteur V6 de 3,5 litres à double turbo produisant 450 chevaux et 510 livres pieds de couple permettant ainsi de pouvoir remorquer une charge de 8000 livres. Le tout est relié à une boîte automatique à 10 rapports.

En n’adoptant qu’un seul moteur V6, Lincoln respecte la tendance forte du marché alors que les V8 sont éliminés au fil de l’arrivée des nouveaux modèles. À titre comparatif, le Cadillac Escalade, plus ancien, propose également un seul moteur, mais il s’agit d’un V8 de 6,2 litres cédant 30 chevaux de puissance, mais offrant également une boîte automatique à 10 rapports. Et la capacité de remorquage selon le constructeur est de 8100 livres.

L’ancienne version du Navigator ne se distinguait pas particulièrement par un comportement routier relevé. On avait quasiment l’impression de conduire un ballon sur roues et il fallait souvent lever le pied afin de pouvoir négocier les virages sans effrayer vos passagers. J’exagère à peine. Malgré une suspension arrière indépendante, c’était assez décevant dans l’ensemble.

Cette nouvelle génération avec sa suspension réactive, une géométrie plus raffinée et une réduction de poids en raison de sa carrosserie en aluminium est supérieure en fait de tenue de route. Tous ces éléments favorisent un comportement routier plus prévisible et en mesure de procurer un certain agrément de conduite. Il faut souligner également qu’une fenestration dotée de vitres plus épaisses permet également de mieux insonoriser l’habitacle.

De plus, notre véhicule était doté d’un centre de gestion permettant de sélectionner les coordonnées les mieux adaptées à la situation du moment relativement à la chaussée et au style de conduite. Cependant, malgré l’utilisation d'un moteur V6 qui devrait être théoriquement plus frugal qu'un V8, ce 3,5 litres n'a pas impressionné au chapitre de la consommation de carburant. Avec une moyenne légèrement inférieure à 16 l/100 km, c’est à peine correct. Et soulignons que nous avons adopté un style de conduite plus écologique qu’autre chose. À titre comparatif, une Cadillac Escalade essayée quelques semaines plus tôt nous a permis d’obtenir une moyenne de 14,8 l/100 km, et ce avec un gros moteur V8. Toutefois, le Navigator compense dans certaines autres catégories de comparaison, notamment l’élégance générale de l’habitacle et le silence de roulement.

Somme toute, ce gros VUS qui n’a rien d’une camionnette n’a pas usurpé le titre de « Camionette nord-américaine de l’année » même s’il n’a rien à voir avec les camions. Mais compte tenu de la faible diffusion de ce type de véhicule sur notre marché, les chances d’en croiser un sur nos routes sont plutôt minces. Mais comme le marché ne cesse de nous surprendre…