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Mémoire de chars

Tiger Stadium

12 journalistes dans le champ gauche

Texte : Denis Duquet

25 août 2021

 

À une certaine époque, chaque constructeur nord-américain présentait sa nouvelle gamme de modèles au cours du mois de juillet, avec un embargo jusqu'au mois d'octobre. Ce qui est impensable aujourd'hui avec les sites Internet et les médias sociaux alors que la communication est instantanée. Par le passé, la grande majorité des journalistes assistant à ces déroulements écrivait pour des magazines dont le délai de publication était de plusieurs semaines. On nous donnait rendez-vous à la piste d'essai du constructeur pour prendre connaissance avec les dernières nouveautés. On nous hébergeait dans un hôtel de Détroit ou en banlieue. Règle générale, c'était assez contingenté, avec un souper au cours des deux premiers soirs et un retour à la maison au cours de la troisième journée. Souvent, ce deuxième soirée posait un problème pour les compagnies automobiles. En effet, pas d'Internet, pas de journalistes dans leur chambre pour écrire leurs textes en catimini, quoi faire pour écouler le temps d'une façon agréable de sorte que les journalistes retournent chez eux avec une opinion positive de leur voyage. ?

Cette année-là, chez Ford, le directeur des relations publiques du Canada, Tony Fredo, a eu l'idée d'inviter les journalistes canadiens à une partie de baseball au légendaire et très vieillot Tiger Stadium de Detroit. Et si vous ne suivez pas les péripéties du baseball majeur, sachez que ce stade est remplacé depuis plusieurs années par le stade Comerica entièrement nouveau. 

Pour en revenir à notre soirée, Tony avait demandé à son assistante de réserver des billets pour le match des Tigers pour la douzaine de journalistes que nous étions. Règle générale, lors de ces événements, la plupart des constructeurs qui nous invitent trouvent le moyen de réserver une loge et même parfois on a accès au vestiaire des joueurs. Donc, nous nous attendions tous à être tout au moins soit dans une loge ou encore tout près de l'action. 

Mais, à notre grande surprise, nous étions installés tout en haut, dans les estrades du champ gauche, très éloigné du jeu. Comme dit le dicton :« À cheval donné, on ne regarde pas la bride ». Mais ce qui était le plus cocasse, c'est que nous étions entièrement isolés. En effet, le stade était pratiquement vide, et notre groupe faisait figure d'îlot parmi une vastitude de bancs  libres. Pire encore, nous étions tous assis en rang serré  alors qu'ily avait amplement de l'espace. 

Tiger Stadium

Inutile de souligner que notre hôte était embarrassé, d'autant plus qu'il était un grand amateur de baseball et prévoyait passer une agréable soirée alors que les Tigers de Détroit affrontaient les Red Sox de Boston. 

Personnellement, je trouvais ça passablement cocasse tandis queTony  regardait son adjointe d'un de ces regards sombre alors qu'il passait pour un plouc aux yeux des journalistes alors qu'il avait été incapable de trouver des sièges corrects  dans un stade pratiquement vide. Il faut souligner que parmi le contingent , il y avait deux journalistes travaillant au Québec, mais d'origine européenne, qui n'avaient rien à foutre avec le baseball. Même l'un d'entre eux soulignait qu'il aurait préféré assister à un tournoi de pétanque. Heureusement, cette remarque prononcée en français n'a pas atteint les arrêts de notre hôte qui se confondait en excuses. Il nous a même proposé d'aller acheter d'autres billets de sorte que nous puissions assister à la partie en meilleure position. Nous avons tous refusé, soulignant que c'était plus cocasse qu'autre chose et que nous allions apprécier notre soirée et notre partie de baseball. 

Enfin, nous étions tellement éloignés, qu'il a fallu que Tony aille chercher le préposé aux hot dogs et autres nourriture du genre, car ce dernier ne daignait même pas venir nous servir, jugeant probablement que nous étions trop éloignés est probablement trop radins pour se procurer des billets de meilleure qualité et que nous n'aurions rien acheté. 

Sur le plan sportif, la partie a été moyennement intéressante alors que l'équipe locale s'est inclinée devant l'équipe de Boston. 

Quelques années plus tard, le même responsable des relations publiques du Canada se souvenait de sa déconfiture sportive et lorsque nous étions à Pasadena en Californie , il a organisé pour ceux que ça intéressait d'assister à une partie des Dodgers de Los Angeles au célèbre Chavez Ravine. Cette fois, nous avions des sièges bien situés. Et la partie mettant en vedette les Cards de Saint-Louis s'est révélée intéressante avec la victoire de l'équipe locale. 

Chavez Ravine

Bref tout semblait se dérouler dans le meilleur des mondes, mais devinez ? 

Cette soirée a été marquée par les émeutes à Los Angeles suite au verdict de non-culpabilité des policiers qui avaient agressé Rodney King de façon très brutale. Une partie de la ville de Los Angeles était en feu, mais si   j'ai eu la chance de prendre place dans une navette qui nous a ramenés directement à notre hôtel à Pasadena, d'autres journalistes dans une Lincoln Continental noire se sont égarés et se sont dirigés dans le quartier où se déroulaient les émeutes. Ils n'ont heureusement rien eu puisqu'ils ont  eu la chance d'être redirigés par une policière qui leur a  demandé: «What the fuck are you doing here ? You want to get killed ?". Heureusement pour eux, ils ont retrouvé le chemin de l'hôtel et sont arrivés tard en soirée, mais sains et saufs. 

Par la suite, on n'a jamais été invité à une baseautre partie de baseball par Ford…