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Mémoires de char

Deux fous sur le Ventoux

texte de Denis Duquet

12 novembre 2021

 

Voici une aventure qui aurait pu avoir une conclusion embrassante. Lors d’un voyage de présentation de Mercedes-Benz à Cannes en France, j’ai réalisé avec TonyWhitney, un confrère journaliste passionné du vélo comme moi, que le MontVentoux n’était pas tellement loin de notre hôtel. Et cette immense montagnechauve a été à plusieurs reprises le site d’étapes d’anthologie du Tour de France.

 

Après s’être informé auprès d’un garçon de table au restaurant choisi par Mercedes-Benz, il semble qu’il s’agit d’un trajet d’une couple d’heures pour atteindre cette impressionnante montagne. 

Après avoir demandé aux responsables de Mercedes-Benz si on pouvait  mettre notre projet en exécution et obtenu leur accord, nous nous sommes dirigés vers cette montagne mythique dans l’histoire du vélo. Malheureusement, les informations données par le serveur n’étaientpas tout à fait exactes. Pour arriver à destination, nous avons emprunté l’autoroute pour ensuite bifurquer vers une route départementale étroite et sinueuse, traverser la ville de Carpentras et devoir négocier avec une circulation lente et dense. Tant et si bien que le trajet anticipé de deux heures et trente a duré une heure de plus. Bref, nous n’étions pas arrivés et notre horaire était chamboulé. 

Mais nous n’étions pas au bout de nos peines. Une fois rendus au pied de la montagne, nous avons découvert que la route d’accès au sommet était fermée. Mais comme la voie semblait dégagée, nous avons continué notre route afin d’atteindre le monument érigé à la mémoire de Tom Simpson, un coureur britannique décédé le 13 juillet dans le Tour 1967. Un événement tragique qui marque encore les gens. 

Lorsque nous avons voulu retourner, notre voiture s’est enlisée dans la neige qui était encore présente puisque nous étions en altitude et nous étions à la fin avril. Heureusement, après plus de 20 minutes d’efforts, nous avons dégagé la grosse Classe S et repris le chemin de l’hôtel. S’il avait fallu rester pris, nous aurions marché des kilomètres avant d’atteindre du secours. 

Et nous ne sommes pas attardés , puisque nous avions promis aux responsables de Mercedes que nous serions de retour à l'hôtel avant 18 heures. Après avoir effectué un rapide calcul, nous en avons conclu qu’il fallait se dépêcher et pas à peu près pour respecter notre engagement. 

Au diable les cinémomètres 

En raison  de notre retard, il fallait accélérer les choses. À cette époque, il n'y avait malheureusement pas de systèmes de navigation par GPS et nous n'avions à notre disposition qu'une carte géographique relativement sommaire. Malgré tout, nous avons trouvé une route qui nous permettait d'éviter la ville de Carpentras qui avait été la principale cause de notre retard. Puis, après avoir atteint l'autoroute, j'ai appuyé sur l'accélérateur et pas à peu près. 

À cette époque, sur les autoroutes, les contrôles par cinémomètre ou photo radar dans le jargon populaire étaient affichés à l'avance afin de permettre aux automobilistes de lever le pied, s'il si tel était le cas.  

En ce qui nous concernait, pas question de ralentir. Je me suis placé derrière une Porsche 911 et nous avons avalé l'autoroute à une vitesse dépassant les 225 km/h alors que la vitesse affichée était de 130 km/h. Notre tandem se déplaçait à très grande vitesse et même si nous avons vu un panneau annonçant la présence d’un contrôle routier par photo radar, ni le conducteur de la Porsche ni moi-même n'avons levé le pied. Et ce manège s'est poursuivi pendant des dizaines de kilomètres et au cours de ce périple, nous avons été 'flashé', après tout on était en France, à deux autres reprises. 

À part ces séances de photographie policière, rien d'autre ne s'est déroulé. En fait, j'ai pu apprécier la stabilité et la précision de la conduite de notre Mercedes à très grande vitesse. Incidemment, la limite de vitesse gérée électroniquement était de 250 km/h. On était loin de dépasser les limites de la voiture. 

Nous sommes arrivés à quelques minutes près avant 18 heures et avons remis les clés au préposé de Mercedes-Benz en soulignant que le réservoir de carburant était passablement vide et que nous avions été photographiés par des radars policiers à trois reprises. Je me suis empressé de donner ma carte et insisté  pour que l'on me fasse parvenir le montant des amendes encourues lors de notre excursion à haute vitesse. Et plus j'y pensais,plus je me demandais quel sera le prix. J'avais l'intuition que cela allait coûter fort cher. 

Affiché à la cafétéria ?  

Comme c'était avant l'ère des courriels, j'ai reçu un fax provenant du préposé aux relations publiques de Mercedes-Benz avec qui nous avions eu affaire lors de notre séjour en France. Il m'a annoncé qu'il avait reçu les photographies prises par les cinémomètres et également les amendes conséquentes à mes excès de vitesse. Je n'osais pas lire la suite en appréhendant le montant de cette folie. 

À ma grande surprise, il m'a affirmé que le constructeur allait régler mes amendes, car, sur la photo, on me voit afficher un large sourire et sous la photo, la vitesse à laquelle j'avais enfreint la loi. Et ce à trois reprises !  Au lieu de me faire payer, ils ont affiché les trois photographies sur le babillard de la cafétéria de l'usine à Stuttgart avec la mention : « Même à plus de 225 km/h, ce journaliste canadien apprécie la conduite de sa Mercedes-Benz ». Je n'ai jamais su quel était le montant à payer, mais j'étais très heureux d'apprendre qu'on m'avait disculpé d'avoir enfreint la loi de façon si outrageuse. 

Cette randonnée assez particulière demeure l'un de mes bons souvenirs d'autant plus que j'avais eu l'opportunité d'être avec mon ami Toni Whitney, un journaliste automobile aux multiples intérêts.