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Mémoires de chars

Bamberg- Berlin- Bamberg en 1990

Un voyage terrifiant

Texte : Denis Duquet

22 septembre 2021

Le mur de Berlin vient de tomber et la République Fédérale Allemande quelques mois plus tard.

 

Tout au long de ma carrière, j'ai eu l'opportunité d'être assis comme passager dans des voitures roulant à haute vitesse et pilotées par des champions automobiles. Je me souviens encore d'une randonnée avec le champion de rallye Walter Rhorl, de deux tours de piste avec Jacky Icx sans oublier un fabuleux tour du circuit Michigan International Speedway avec le pilote NASCAR, Rusty Wallace. En fait, la liste est très longue de mon expérience de passagers avec un pilote très rapide, sur différents circuits de vitesse. 

Walter Rohrl

Jacky Ickx

Rusty Wallace

À chaque fois, j'étais en pleine confiance et je n'ai jamais eu peur.  

Toutefois, la seule fois où j'ai été vraiment effrayé de rouler dans une automobile, c'est accompagné d'un de mes amis allemands, Bruno Meissenbach, avec qui j'ai effectué le trajet Bamberg–Berlin- Bamberg quelques semaines après la chute du mur de Berlin et la désintégration de l'Allemagne del'Est. En effet, nous avions décidé de nous rendre dans la capitale allemande afin de  rencontrer des gens pour affaires puisqu'à cette époque je travaillais pour une publication sportive québécoise  et que mon ami et moi devions rencontrer des gens pour d’éventuelles publications. 

Au début, j'avais hâte à ce voyage, puisque mon ami possédait une BMW M5 dotée d'un moteur encore plus puissant que celui qui était de série et qui était dotée de toutes sortes d'accessoires visant à améliorer le comportement routier et l'agrément de conduite. De plus, mon ami Bruno, était un pilote rapide, doté d'un excellent coup de volant. Bref, rien ne m'annonçait ce qui devait se produire au cours des heures qui allaient suivre. 

Bamberg, ville faisant partie de l'héritage mondial.

Bref, tout s'est déroulé sans anicroche lorsque nous étions en territoire de l'Allemagne de l'Ouest. Nous avons roulé à haute vitesse sur les autoroutes et c'était vraiment très agréable de pouvoir être à bord d'un bolide capable de rouler sans broncher à plus de 225 km/h. 

Nous avons roulé dans une voiture semblable à celle-ci.

Mais les choses ont vraiment changé lorsque nous avons pénétré dans le territoire de l'Allemagne de l'Est. En effet, après la chute du gouvernement, et après avoir été sous le joug d'un régime dictatorial, les jeunes Allemands de l'Est se sont «lâchés lousses", pour employer une expression typiquement québécoise. En effet, il n'y avait plus de police, le système judiciaire était en lambeaux et tout le monde se foutait des règlements de la circulation routière. 

Après avoir évité de près la catastrophe à certaines intersections, nous avons rapidement découvert que les conducteurs ne respectaient nullement les lois de la circulation et encore moins les feux lumineux. À chaque intersection, on avait l'angoisse d'être télescopé par un conducteur qui ne voulait rien savoir. Donc, chaque fois qu'il y avait soit un stop ou  un feu de circulation, nous immobilisions pratiquement le véhicule pour regarder à gauche et à droite pour voir s'il n'y avait pas de véhicules venant en notre direction. Nous avons été témoins de quelques événements spectaculaires qui nous ont incités à agir de la sorte. En effet, moins d'une heure après avoir circulé sur les routes est-allemandes, à une intersection, un pilote de Trabant nous a presque effleuré sans jamais freiner. Comme le disait mon ami Bruno, la seule chose positive dans cette rencontre, c'est que notre voiture est nettement plus solide que les Trabant dont la carrosserie était en nitrocellulose et assez peu résistante en cas d'impact. 

Trabant

Policier est-allemand et son véhicule de poursuite !

Mais il n'y avait pas que la désorganisation totale du réseau routier, il y avait également l'attitude relativement agressive des Allemands de l'Est envers une voiture qui venait de l'Allemagne de l'Ouest. Pour ces gens, les riches de l'autre côté de la frontière pouvaient être dévalisés et intimidés à souhait.  

D'ailleurs, à l’heure du lunch, nous sommes arrêtés dans une cantine où les gens nous  ont regardé la façon agressive, ont réclamé d'être payé en dollars américains pour la maigre pitance qui était disponible. On jugé bon de déguerpir de  cet estaminet qui n'avait pas bonne mine. Mais, c'était le seul choix rencontré après plusieurs minutes de recherche. En plus, lorsque nous sommes allés dans une station-service pour aller à la salle des toilettes, l'un de nous restait dans la voiture, de peur que quelqu'un tente de la voler. 

Il n'y a pas que le caractère routier de notre randonnée qui portait à la déprime. En effet, nous nous sommes arrêtés dans un village où se trouvait une immense usine . Il ne fallait pas être un grand spécialiste de l'environnement pour découvrir que cette usine émettait des émanations  toxiques. Il y avait d'ailleurs un petit étang devant cette usine, et l’eau semblait tellement stagnante et verdâtre, que je crois qu'on aurait pu marcher sur l’eau. Et il y avait également au centre-ville, une statue dont le visage avait été grugé par les émanations toxiques. Et pour finir, les quelques personnes rencontrées semblaient avoir été affectées physiquement par cet environnement toxique. Inutile d'en dire plus. 

Wouash !

Sans commentaire ...

Et j'allais oublier les différentes péripéties pour faire le plein de carburant. Il n'était pas question de tomber en panne sèche dans un environnement qui nous semblait peu hospitalier. Lorsque la jauge du niveau d'essence a affiché la moitié du réservoir, on a cru bon d'y ajouter quelques litres de carburant. Il a fallu tout d'abord trouver une station-service qui était ouverte. Et lorsque nous avons trouvé la perle rare, le préposé voulait un pourboire pour nous permettre de faire le plein. Et je ne sais pas quelle sorte de carburant était dans les réservoirs de cette station-service, mais, par après, le moteur a semblé perdre de sa puissance. À tel point que lorsque rendu à Berlin Ouest, mon ami est allé chez un garagiste afin de vidanger le réservoiret faire le plein avec une essence de meilleure qualité. 

Berlin est libéré

Berlin est 1990

Berlin ouest 1990

Après avoir été angoissés pendant des heures, nous avons apprécié notre séjour à Berlin ouest. Pour ce qui était du secteur est, c'était un chantier en devenir.

Malheureusement, même si notre itinéraire de retour a été différent, ce fut la même expérience déprimante jusqu’en Allemagne de l’Ouest. Nous avons alors poussé un long soupir hisde soulagement.