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Mémoires de chars. Carlos au Salon de l’auto de Montréal

Texte : Denis Duquet

2 juillet 2020

Au cours de sa carrière de chroniqueur automobile, l’auteur a rencontré bien des gens et connu plusieurs épisodes cocasses. Cette fois, il nous raconte son entrevue avec Carlos Ghosn le grand dirigeant de Nissan.

De nos jours, lorsqu’on parle de Carlos Ghosn, on associe son nom à ses démêlés juridiques avec la justice japonaise, sa répudiation par Nissan et sa spectaculaire évasion du Japon vers le Liban. Cette super vedette de l’industrie automobile est devenue un criminel en fuite. Mais, il n’y a pas si longtemps encore, il était respecté partout sur la planète.

Et c’est à ce titre qu’il a effectué une visite au Salon de l’auto de Montréal il y a environ une dizaine d’années. Il était à l’époque le grand patron de Nissan qu’il avait sauvé d’une spectaculaire faillite. Mieux encore, sous sa gouverne, ce constructeur avait regagné le seuil de la rentabilité en plus de connaître des succès au chapitre des ventes partout sur la planète.

C’est donc à titre de grand patron de ce constructeur japonais qu’il a visité le Palais des congrès de Montréal et dévoilé une voiture concept au stand Nissan lors de la journée de presse. En plus, la direction canadienne des relations publiques du constructeur avait convié quelques journalistes à des entrevues individuelles avec le magnat de l’industrie.

On m’avait réservé une période de 15 minutes pour interviewer Monsieur Ghosn. Mais c’était sans doute ma journée de chance puisque mon collègue Jacques Deshaies m’avait cédé son temps d’entrevue, car il ne pouvait être au rendez-vous. J’avais donc une demi-heure à ma disposition.

Ce samedi de janvier était ensoleillé et la température clémente. De sorte que l’affluence était fort importante pour découvrir les voitures mises en vedette. En fait, tous les stationnements environnants étaient pleins. Il m’a fallu stationner ma voiture à Place Bonaventure et prendre le métro pour être à l’heure à mon rendez-vous.

Où est le cameraman ?

Comme la plupart des dirigeants automobiles, Monsieur Ghosn porte l’uniforme de sa profession, il est vêtu d’un complet foncé, d’une chemise blanche et d’une cravate de couleur sombre. Lorsque je me présente, à l’heure pile, il me serre la main et on procède aux salutations d’usage. Malheureusement, mon cameraman manque à l’appel.

Après quelques minutes d’attente, on décide d’un commun accord d’effectuer l’entrevue de façon plus traditionnelle et on s’installe dans la salle de réunion pour l’interview. J’avais à peine sorti mon carnet de notes que la porte de la petite salle s’ouvre soudainement et on voit apparaître mon cameraman, complètement essoufflé, les lunettes embuées, la broue dans le toupet et la caméra tout embuée. Carlos Ghosn prend les devants et invite mon cameraman Stéphane Soucy à reprendre son souffle, à enlever son manteau et désembuer la caméra. Il s’est montré grand seigneur et affichait un large sourire à voir la mine déconfite du cameraman.

Celui-ci avait sous-estimé l’influence au Salon de l’auto et il s’était empêtré dans un trafic fort dense. Voyant qu’il ne pourrait arriver à l’heure, il a tout simplement abandonné son véhicule sur le bord de la route, attrapé sa caméra et déguerpi au pas de course pour arriver à notre entrevue. Ce qui explique son arrivée plus que spectaculaire.

Quelques minutes plus tard, tout était rentré dans l’ordre et l’entrevue télévisée a débuté. Les questions et les réponses s’enchaînent facilement et, comme à son habitude, mon interviewé y va de réponses intelligentes et fort intéressantes.

Quand ça tourne…

Puis, à un moment donné, ce dernier fait une pause et propose de terminer l’entrevue sur la table tournante où le prototype Nissan est en vedette.

Pour bien faire, il faut que celle-ci s’immobilise et il faut une clé pour désactiver le mécanisme. La situation se corse rapidement lorsque les responsables du kiosque s’interrogent : où est passée la clé ? Puis, on s’affole, on court un peu partout sans trouver la fameuse clé. Je voyais le niveau d’impatience du grand patron augmenter pratiquement au fil des secondes. Je me demandais si je n’allais pas assister à un congédiement sur place. Finalement, après quatre ou cinq minutes de recherche fébrile, on a réussi à immobiliser la fameuse table tournante et Carlos Ghosn a retrouvé le sourire.

Donc, c’est avec le prototype Nissan en arrière-plan que j’ai réussi à terminer mon entrevue. Et, bien entendu, mon ami Stéphane était fort heureux de ce dénouement.