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Mémoires de chars: Lac de Côme.

Un conducteur d’autobus sportif !

Texte : Denis Duquet

12 juin 2020

Au cours d’une carrière de plusieurs décennies en tant que chroniqueur automobile, Denis Duquet a amassé beaucoup de souvenirs. Cette fois, il nous raconte un épisode particulièrement savoureux d’une randonnée dans un autobus pas comme les autres.

Parfois, même les programmes de presse et mieux organisés sont sujets à certaines contraintes. Dans le cas qui nous concerne, il s’agissait d’un voyage Pirelli en Italie, aux abords du lac de Côme. Selon le programme initial, suite à notre arrivée tôt le matin à notre hôtel, nous devions aller passer l’après-midi à Milan pour visiter la ville et magasiner. Mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu.

Notre contingent canadien qui comprenait une dizaine de journalistes est arrivé à l’heure prévue et nous savions hâte d’aller faire un tour à Milan, une ville spectaculaire à plus d’un point de vue.

Malheureusement pour nous, les journalistes américains sont arrivés en retard à notre hôtel. Dans un premier temps, leur avion a été retardé et dans un second temps, certains avaient perdu leurs bagages et ils ont dû remplir plusieurs documents pour les récupérer, ce qui fait qu’ils sont arrivés quelques minutes avant l’heure du lunch. Et la plupart voulaient manger, avant de partir en visite pour Milan, si jamais il nous restait du temps à l’horaire. Quant au contingent canadien, nous étions passablement déçus et n’avions pas d’objection à manger rapidement à l’hôtel pour ensuite prendre la direction de la capitale lombarde.

Mais les journalistes américains ont eu gain de cause et ont convaincu leurs hôtes italiens qu’ils devaient absolument manger ailleurs qu’à l’hôtel. Les responsables du programme ont jeté leur dévolu sur un restaurant situé dans les hauteurs des collines qui entourent le lac de Côme. Mais comme l’a voulu le destin, une fois sur place, les responsables ont découvert que le téléphérique qui devait nous permettre d’accéder au restaurant était en panne. Tenant mordicus à nous faire découvrir cet établissement, ils ont acheté une liasse de billets d’autobus et c’est par ce moyen de transport public que nous avons atteint le restaurant en question.

Devant tout le trouble qu’on s’était donné pour nous amener à cet endroit, je croyais qu’il y aurait une vue panoramique imprenable sur le lac et que cela valait le déplacement.

Hélas ! On nous a amenés dans une salle dépourvue de toute fenêtre, passablement exiguë et nous étions servis par des garçons de table semblaient davantage préoccupés à retourner chez eux qu’à nous servir.

Mais comme tout restaurant italien qui se respecte, la nourriture était excellente, mais ne valait certainement pas cet entêtement à nous amener à cet endroit. Mais, quand même, nous avons fait mauvaise fortune bon gré.

Une descente sportive

Comme le téléphérique n’était pas en fonction après le repas, on a repris le même moyen de transport pour nous rendre au stationnement où nous attendait notre autocar. Quant au conducteur de l’autobus municipal chargé de nous ramener au bas de la côte, il a appris qu’il y avait un groupe de journalistes automobiles à bord. Il est devenu tout excité et ne cessait de babiller et tenter d’entrer en conversation avec nous. Mais comme son anglais était marginal et l’italien de la plupart des membres de notre groupe était limité, la conversation n’a pas duré longtemps.

Puis, on s’est mis en route. Et le chauffeur avait décidé de nous impressionner par ses prouesses au volant. Il s’est mis à dévaler la pente à vive allure et il faut souligner que le parcours était parsemé de virages relativement serrés qui ne convenaient pas nécessairement à un autobus conduit à vive allure. Dès le premier virage, plusieurs des occupants qui n’étaient pas journalistes automobiles habitués à une certaine vélocité à bord d’un véhicule ont émis des cris de panique. Ils étaient fortement inquiets et ils imploraient le chauffeur de réduire la vitesse. Celui-ci leur criait au-dessus de son épaule qu’il était compétent et qu’il n’y avait aucun problème.

Et de plus, il s’époumonait à nous informer de ses techniques de pilotage et comment il abordait les virages. Les deux premiers ont été plus ou moins sans problème. Mais au troisième, passablement accentué, les freins ont commencé à être moins efficaces et il a littéralement plongé dans le virage à une très grande vitesse. Malgré ses dimensions et son poids, l’autobus a tangué et le niveau sonore des clients est devenu encore plus élevé. Heureusement, les trois autres virages étaient plus ou moins accentués et le chauffeur a eu la bonne idée de rétrograder les vitesses afin d’utiliser la compression du moteur pour ralentir son bolide qui avait de plus en plus de difficultés à freiner.

Une fois rendu au bas de la côte, le bus s’est immobilisé et les portes se sont ouvertes pour laisser sortir une multitude de clients qui étaient passablement ébranlés par leur descente sportive. Certaines femmes criaient à tue-tête et menaçaient le chauffeur de tous les maux de la terre. Et tout cela autour du véhicule dont les freins fumaient énormément. Quant au chauffeur, il affichait un large sourire et est venu rencontrer notre groupe pour s’enquérir si on avait été impressionné par ses prestations derrière le volant.

En toute justice, nous lui avons fait savoir qu’il avait piloté avec dextérité, mais qu’il avait pris des risques inutiles compte tenu du nombre de passagers à bord. Il faut souligner que cet autobus était bondé que plusieurs personnes étaient debout lors de la descente. Inutile de souligner qu’elles s’agrippaient à deux mains aux barres de rétention verticales.

Puis, une fois rendu à notre autocar, on nous a appris qu’il était trop tard pour aller faire un petit tour à Milan et qu’on retournait à notre hôtel. Inutile de souligner que la plupart d’entre nous n’ont pas tellement apprécié cette décision et on blâmait allègrement les journalistes américains de tous les maux de la terre.

Mais au moins, cela m’a permis de vivre une expérience assez particulière à bord d’un autobus qui dévalait une pente à toute vitesse avec au volant un conducteur avide de sensations fortes.