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Voiture turbine de Chrysler

Révolutionnaire pour l'époque

texte de Denis Duquet

28 mai 2022

L'année 1964 est surtout marquée dans l'histoire de l'automobile par l'arrivée de la Ford Mustang, une voiture qui a révolutionné le monde de l'auto en étant le premier coupé sportif de grande diffusion. Cette explosion de popularité a quelque peu atténué l’impact de l'arrivée d'une voiture qui était nettement plus révolutionnaire sur le plan technique. En effet, en 1963 et 1964, Chrysler a dévoilé une voiture aux allures spectaculaires et techniquement intéressantes puisque le groupe propulseur était une turbine à gaz. Cela était l’aboutissement d’années d'études et de recherche de la part de ce constructeur qui avait débuté le développement à la fin des années 30 pour les poursuivre jusque dans les années 50 et au début des années 60. Le moteur à turbine à –81 pouvait utiliser plusieurs carburants, ne nécessitait presque aucun entretien et avait une durée de vie beaucoup plus longue qu’un moteur conventionnel. Cependant, cette motorisation était beaucoup plus onéreuse à produire.

Après quelques années d'essai, Chrysler a mis sur pied un programme d'utilisation qui a impliqué 203 conducteurs dans 133 villes aux États-Unis. Cette flotte d'essayeurs a franchi plus 2 000 000,6 km. Cela a permis de déceler les faiblesses de la voiture, notamment une procédure de démarrage complexe, des accélérations sous la moyenne et en plus une économie de carburant fort décevante. Sans oublier un bruit différent de celui d'un moteur conventionnel.

Le programme s'est terminé et Chrysler a réclamé toutes les voitures et les a toutes détruites sauf neuf. Chrysler a conservé deux voitures, six sont exhibées dans des musées aux États-Unis et un autre est dans les mains d’un collectionneur privé. Enfin, le projet au complet a été abandonné en 1979 puisque ce moteur ne rencontrait pas les normes antipollution du gouvernement, l'économie de carburant était décevante et en plus lors du sauvetage financier de Chrysler par le gouvernement, l'une des conditions était de détruire ces voitures afin de pouvoir recevoir l'aide financière. 

Initialement, si Chrysler s'est intéressé au développement de moteur à turbine pour des applications dans le secteur de l'aviation puis, à la fin des années 40, après la fin de la guerre, les ingénieurs de Chrysler se sont intéressés à utiliser ce moteur dans une voiture. Et il faut souligner qu'à cette époque, cette compagnie était à l'avant-plan de la recherche d'un moteurà turbine. 

Cette voiture se démarquait non seulement par sa motorisation, mais également par sa silhouette. Ce coupé deux portes  a été dessiné dans les studios de Chrysler sous la direction de Elwood Engel, mais était fabriqué en Italie par Ghia pour être ensuite expédiées aux États-Unis où on y insérait les organes mécaniques.  

En plus de son moteur révolutionnaire, cette voiture était dotée d'une transmission automatique TorqueFlite, d'une direction et de freins assistés. Malgré tout, cette voiture était immobilisée par des freins à tambour aux quatre roues. Soulignons que ce projet était fort onéreux pour l'époque, puisque la fabrication des carrosseries coûtait 175 000 $ tandis que la voiture au complet coûtait 480 000 $ en dollars d'aujourd'hui. 

Même si la voiture n'a jamais été produite en grande série et le projet abandonné,  l’impact de cettevoiture sur l'opinion publique a été fort positif pour la compagnie. De plus, soulignons qu'elle n'était disponible qu'en une seule couleur : Orange turbine. 

Ailleurs dans le monde 

Il ne faut pas en conclure que ce constructeur a été le seul à tenter de populariser la voiture avec une motorisation à turbine. En effet, plusieurs autres constructeurs se sont essayés. 

Fiat Turbina 

Dévoilée au Salon de l'auto de Turin en 1954, cette voiture aux formes assez particulières et très aérodynamiques était un coupé deux portes propulsé par un moteur à turbine placée à l'arrière. C'était la conclusion de plusieurs années de développement alors que l'on croyait fermement chez Fiat de pouvoir construire des voitures propulsées par ce système. L'accueil du public était positif, mais en fin de compte le projet a été abandonné en raison de problèmes de surchauffe et surtout de la très forte consommation de carburant. 

Firebird General Motors 

Bien entendu, General Motors s'est également intéressé à ce type de propulsion. Cependant, il s'agissait davantage d'intégrer un mode de propulsion à ses trois voitures concept baptisées Firebird I, II et III. Le premier avait les allures d'un avion sans aile, le second se voulait une voiture familiale quatre places très futuriste tandis que le troisième se voulait une voiture deux places dont la silhouette semblait être empruntée à l'émission télévisée Jetson. Il faut souligner que le Firebird II a été le premier véhicule de GM à être équipé de quatre freins à disque.  

Étoile Filante Renault 

Cette  voiture aux allures de bolides de course n’a jamais été créée pour en faire une voiture de tourisme. Il s'agissait d’un projet de véhicule de performance afin d'établir des records de vitesse. Présentée en 1956, cette rutilante voiture allongée de couleur bleue France était propulsée par un moteur à turbine Turbomeca, une compagnie reconnue pour son expertise dans le domaine et qui a équipé et équipe encore de nombreux avions et hélicoptères. 

Construite en deux exemplaires, elle a été présentée le 22 juin 1956. Renault s'est ensuite rendu aux États-Unis, sur le lac salé de Bonneville pour y établir des records de vitesse. Elle y a  établi plusieurs records de vitesse terrestre dans la catégorie des moins de 1000 kg. C'est ainsi qu'elle a atteint la vitesse maximale de 308,85 km/h. 

 

Rover Jet 1 

Même si l'industrie automobile britannique n'est plus ce qu'elle était, il faut savoir qu'à une certaine époque, ce pays produisait les voitures les plus avancées techniquement et également les plus performantes. Par contre, la fiabilité n'était pas toujours au rendez-vous. Quoi qu'il en soit, la compagnie Rover a dévoilé en mars 1950 sa voiture Jet 1 propulsée par un moteur à turbine. Il s'agissait d’un véhicule deux  places décapotable et dont le moteur était situé derrière les sièges. Après avoir accompli une tournée aux États-Unis, le véhicule a été mis à l'essai sur une autoroute belge et il a atteint une vitesse maximale de 240 km /h.  

Il y a eu plusieurs autres projets plus ou moins semblables, mais ce sont les principaux qui ont été produits au cours des années 50 et 60. Par la suite, les caractéristiques négatives comme une consommation de carburant élevé, une chaleur élevée et les coûts de construction prohibitifs ont incité les constructeurs à abandonner. 

Également, à la même période, on a vu la course des 500 miles d'Indianapolis dans les années 67 et 68 s’intéresser à cette technologie. 

Presque la victoire 

Dans les années 60, du moins au tout début, le petit monde de  500 Miles d’Indianapolis était divisé entre les tenants des roadsters traditionnels avec leur moteur Offenhauser et une nouvelle génération de voitures inspirées de la formule avec un moteur arrière faisant partie intégrante de la structure du châssis. La victoire de Jim Clark  avec ce type de voiture a mis fin au débat à la faveur de la nouvelle génération. 

Toujours inspiré par ce désir de modernisme, en 1967 on a vu Parnelli Jones piloter une  voiture d'un rouge vif arborant l'écusson de l'additif de moteur STP, mais surtout propulsée par un moteur à turbine Pratt& Whitney monté parallèlement au pilote et dominer les qualifications et être en tête de la course avec une grande facilité avant qu'une pièce de quelques dollars se brise et mette fin aux espoirs de voir une première voiture de ce genre remporter l’Indy 500. Andy Granatelly qui avait vu sa voiture à turbine perdre la course de justesse l’année précédente s'est tourné vers le légendaire Colin Chapman de Lotus afin de lui concevoir une voiture à turbine pour l'épreuve de 1968. Cette voiture était dotée d’un moteur placé derrière le pilote et dont la bouche d'échappement était immédiatement derrière celui-ci. On faisait appel à un rouage intégral Ferguson et un moteur Pratt & Whitney. La course a été mouvementée et parsemée de plusieurs accidents. Joe Leonard était l'un des quatre pilotes engagés dans ces voitures très spéciales, mais encore une fois, à quelques tours de l'arrivée, le moteur est tombé en panne. 

L'épopée des voitures à moteur à turbine s'est terminée en 1970 en ce qui concerne les 500 miles d'Indianapolis, puisque ce type de moteur a été interdit. 

Comme ce fut souvent le cas au fil des années, plusieurs solutions technologiques ont été perçues comme étant intéressantes et sujettes à des développements subséquents, mais des problèmes techniques et économiques ont poussé à leur abandon. 

Reste à voir ce qui viendra remplacer d'ici quelques années les moteurs électriques.