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Balade en Spyker, une voiture tout simplement unique.

Par Éric Descarries

11 août 2020

Le Québec regorge de voitures exceptionnelles et de collectionneurs spectaculaires de telles voitures. Serait-ce la courte saison de l’été qui nous empêche de les célébrer que je ne serais pas surpris. Les chroniqueurs automobile de la Belle Province n’ont pas toujours l’opportunité de pouvoir parler de ces autos uniques sauf s’ils peuvent se déplacer dans d’autres régions du monde. Toutefois, la situation actuelle de pandémie ne leur donne pas cette opportunité. Bien entendu, ils choisissent de se lancer sur toutes les opportunités de faire un reportage sur les autos spectaculaires qu’ils peuvent couvrir. Mais, ils ne peuvent pas toujours mettre la main sur certaines autos spectaculaires que des propriétaires privés ne sont pas toujours prêts à mettre en évidence, question de conserver une certaine intimité.

Ce serait le cas de Yves-Luc Perreault de Laval qui est un de ces collectionneurs et «dealer» de voitures extra-spéciales qui aime opérer dans l’ombre. Toutefois, à sa défense, Yves est un amateur qui partage sa passion pour les voitures avec les autres amateurs mais avec une discrétion qui l’honore. Yves Perreault est un de mes amis. On est devenu amis par l’intermédiaire d’autres amis, tous des mordus de l’automobile avec un intérêt spécial pour des autos, en général «étrangères» mais surtout inusitées.

Yves est un collectionneur de voitures spéciales. Mais il n’est pas nécessairement «attaché» à ses autos. Il a su, avec le temps, négocier avec d’autres collectionneurs et vendre, acheter et revendre des véhicules spéciaux ou inusités et se retrouver avec des automobiles dignes d’intérêt. Puis, Perreault a aussi ses goûts! Par exemple, il n’est pas nécessairement un mordu de voitures américaines du genre muscle car mais il avoue son penchant pour les Ford Thunderbird. Il admire fortement les Thunderbird originales des années cinquante mais il est aussi très fier de rouler dans sa Thunderbird 2005 de la dernière génération.

Yves Perreault possède actuellement plusieurs autos dont la Thunderbird mentionnée plus haut, une Smart électrique, un coupé Mercedes de Classe C tout récent, une Fisker hybride électrique et quelques autres autos spéciales tout en attendant que son dernier «dada», un hot-rod Ford 1932 à moteur «Flathead» (en construction) soit prêt. Il possède également le premier «concept car» des studios de Nissan Design en Amérique mais son véritable «bijou» demeure une Spyker C8 Laviolette 2009, un coupé au design unique qu’il a acheté du seul concessionnaire canadien de la marque (à l’époque) de Calgary en Alberta. Il ne «sort» cette Spyker que très rarement. C’est pourquoi lorsqu’il m’a donné un coup de fil tout récemment me disant qu’il allait «dégourdir» la Spyker, je n’ai pu refuser son offre. De toute façon, cette balade occasionnelle lui aurait été moins intéressante sans «compagnon de voyage»…

Une voiture unique

Très peu de gens connaissent les Spyker. Cette marque d’auto d’origine hollandaise a été créée par les frères Spijker en…1875 ! Ceux-ci étaient plus impliqués dans le domaine aéronautique à l’époque (au moment où le développement des autos et des avions était intimement lié) d’où la raison d’y voir une hélice d’avion à l’emblème de l’auto. Malheureusement, la marque automobile ne réussit jamais à…prendre son envol (si vous me permettez l’allusion…) et elle se termina en 1926. La marque a été ressuscitée en 1999 avec la création d'une nouvelle société, Spyker Cars N.V., fondée par l'ingénieur néerlandais Martin de Bruijn et l'homme d'affaires Victor Muller (elle tentera éventuellement de mettre la main sur la marque Saab).

Si l’on met en «Fast forward», on apprendra que la Spyker Cars veuille se tailler une place de choix au sein du segment des voitures exceptionnelles. Ainsi est née le superbe modèle C8 d’abord en cabriolet Spyder, puis en coupé Laviolette. Attention, cependant, n’allons pas nous «peter les bretelles» en croyant qu’il s'agisse du fondateur de la ville de Trois-Rivières mais, plutôt de Joseph Valentin Laviolette, un ingénieur belge qui serait le concepteur de la première voiture équipée d'un six cylindres, de quatre roues motrices et de freins aux quatre roues, notamment la Spyker 60-HP de 1903, l'une des voitures supposément les plus marquantes de l'histoire...mais aussi des plus méconnues.

La gamme C8 est apparue vers la fin des années 2000 et Yves, un homme très aguerri au marché plus spécialisé de l’automobile, a flairé la bonne affaire en achetant un coupé Laviolette de l’unique «concessionnaire» de la marque au Canada, Delawri de Calgary. C’est donc un modèle 2009 et si l’on analyse les fiches techniques de l’auto, on se rend compte que, dans l’ensemble, la C8 est basée sur une mécanique d’Audi A-8 avec moteur V8 (maintenant central) de quelque 450 chevaux combiné à une boîte mécanique à six rapports. Il s’agit ici d’une auto exotique principalement faite d’aluminium pesant moins de 3000 livres.

Une œuvre d’art sur roues

Lorsque Yves sort son coupé Laviolette du garage de sa maison privée de Laval, on constate immédiatement qu’il ne s’agit pas d’un «supercar» mais plutôt d’une auto exotique, une sorte d’œuvre d’art sur roues. Décrire l’auto est inutile. Il ne suffit que de regarder les photos. Le design des C8 (dont la production totale approche la soixantaine d’unités) est unique. Il ne fait pas concurrence aux belles italiennes ni aux autres véhicules faits sur mesure. Évidemment, son nez pointu avec des blocs optiques aérodynamiques attire d’abord notre attention. Mais c’est surtout le pavillon, le toit du coupé qui surprend, un véritable cockpit du style aviation avec des demi-glaces latérales qui ne sont pas sans nous rappeler celles des Subaru SVX des années quatre-vingt-dix. La lunette arrière (aérée) nous dévoile le moteur V8 de l’auto mais on ne peut y accéder. Son entretien est réservé à des techniciens spécialisés. Il y a, quand même, un petit coffre tout à l’arrière pour de petites mallettes et de menus objets. Tout à l’arrière, les échappements se terminent par des embouts sur lesquels il est inscrit : « Nulla tenaci invia est via» (Aux tenaces, nulle route n'est infranchissable).

Monter à bord de cette «œuvre d’art» est un véritable exercice physique. Les portières s’ouvrent vers le haut et pour se glisser dans les sièges baquets, il faut enjamber les énormes seuils, (un peu comme ceux d’une Ford GT de compétition des années soixante). Toutefois, le conducteur et son passager sont accueillis par un tableau de bord plat mais chargé d’instruments qui relèvent plus de l’horlogerie que de l’aviation et de commandes, surtout des «toggle switch». On met le V8 en marche comme on le ferait dans une auto de course avec un commutateur spécial avec protection par clapet.

Les sièges enveloppants de la C8 accueillent facilement les deux occupants de la voiture dont l’intérieur est recouvert d’une finition artisanale exemplaire mettant en vedette une sellerie en cuir avec motif en losanges nous rappelant celle des «customs» américains des années cinquante.

Quelques tours de roue

Le son du moteur derrière les passagers n’est pas si envahissant. Mais on apprécie le ronronnement d’un V8! Passer les vitesses se fait par un levier spécial dont le mécanisme exposé impressionne. Toutefois, tout se passe en douceur. Si le conducteur travaille avec un peu de précision, la Spyker se met en mouvement sans secousses. La voiture est basse mais on y voit tout le tour. Disons qu’elle impressionne plus les passants que les occupants.

La marque, ancêtre de Racing Point?

Une Spyker C8, ce n’est pas un dragster. Ce n’est même pas une auto de course. Mais il faut se souvenir que Spyker a déjà été en Formule Un. Spyker F1 Team a déjà été une écurie néerlandaise de Formule un engagée par le constructeur Spyker Cars N.V. en championnat du monde pendant la saison 2007. Spyker F1 Team est issue du rachat en septembre 2006 de l'écurie Midland F1 Racing, qui avait elle-même succédé à Jordan Grand Prix. En dix-sept Grands Prix de Formule Un, l'écurie Spyker a inscrit un point grâce à Adrian Sutil et a pris la tête d'une course pendant…six tours au Grand Prix d'Europe grâce à Markus Winkelhock. À la fin de la saison 2007, l’équipe Spyker F1 Team est rachetée par un consortium indien et rebaptisée Force India aujourd’hui connue sous le nom de Racing Point, propriété du montréalais Lawrence Stroll pour qui le conducteur principal est son fils, Lance Stroll. Et le père Stroll est un des propriétaires principaux d’Aston Martin, nom qui sera donné éventuellement à Racing Point née Force India née Spyker…vous me suivez?

Donc, la Spyker C8 n’est pas un dragster mais elle est capable d’accélérations de 0 à 100 km/h en moins de cinq secondes. Sa vitesse maximale serait de légèrement plus de 300 km/h mais, peu de conducteurs ne tenteront de l’expérimenter.

Il est difficile de juger de la tenue de route d’une Spyker sauf si on peut la conduire en piste. D’imposants pneus Michelin Sport contribuent au comportement notable de l’auto mais, ma seule expérience en piste avec la C8 s’est déroulée il y a une dizaine d’années au circuit privé d’Ascari en Espagne (comme passager) lors d’un évènement de pneus Vredestein (disons que ça passe bien dans une conversation). Inutile de vous préciser que c’était excitant.

On pourrait extrapoler longtemps sur mon expérience en Spyker C8 et porter toutes sortes de jugements. Toutefois, il ne sera jamais question ici de «critiquer» cette marque d’autos dont les exemplaires sont tellement rares chez nous (voire même en Amérique) mais plutôt d’apprécier l’opportunité de vivre, ne serait-ce que quelques moments avec un véhicule exotique presque unique dans notre monde. Et si j’en crois les dires de son propriétaire, il y a de fortes chances que ce Spyker reste au Québec encore longtemps.

Petite note au passage, au moment d’écrire ce texte, il y a une Spyker C8 Laviolette mise à l’encan Gooding avec une valeur affichée de 350 000 à 450 000 $ !

Photos d’Éric Descarries

La Spyker C8 Laviolette de Yves-Luc Perreault, une véritable œuvre d’art.

Même vue de l’arrière, la Spyker impressionne.

L’intérieur de la Spyker ne laisse certes pas indifférent

Le tableau de bord est simple mais les instruments relèvent de la fine horlogerie.

Avez-vous déjà vu autant d’attention portée à un pédalier ?

Peu d’espace dans le coffre mais suffisamment pour les pièces de collection reliées à l’équipe de Formule Un de Spyker.

La seule façon de voir le moteur, par la lunette arrière aérée.

Même les pointes d’échappement ont été l’objet d’une finition avancée.

L’emblème à l’hélice nous rappelle les origines de la marque.

Oui, Spyker a déjà été en Formule Un