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L’unique Chevrolet Impala SS 1961 de Dan Gurney

Par Éric Descarries

13 janvier 2019

Au début des années soixante, les constructeurs d’automobile américains commençaient à s’intéresser aux véhicules de performance. C’était bien avant les «muscle cars» et les «pony cars». La recette était simple, implanter un gros V8 puissant sous le capot d’un «énorme» coupé de production. Rien ou presque n’était modifié au niveau de la suspension, du freinage et de la direction.

C’était aussi l’époque où plusieurs grands pilotes américains commençaient à s’illustrer sur la scène internationale, des gens comme Phil Hill, Carroll Shelby et…Dan Gurney. Gurney était un de ceux qui allaient devenir une véritable star de la course automobile.

Éventuellement, il allait être le seul Américain à gagner en Formule Un au volant d’une auto de sa création (Eagle). Il allait aussi permettre à Ford de gagner les 24 Heures du Mans en 1967, cela au volant d’une voiture complètement américaine, la Ford GT Mark IV, de conception américaine avec une équipe américaine (lui et A.J. Foyt) sur pneus américains (Goodyear). Gurney avait, auparavant, gagné plusieurs courses NASCAR sur circuit routier (surtout au Riverside Speedway en Californie) au volant de Ford Galaxie modifiées pour la série. Après une superbe carrière en course automobile, Dan Gurney nous a quitté le 14 janvier 2018.

Un exploit peu publicisé

Gurney a une incroyable feuille de route avec nombre de victoires. Toutefois, un de ses «exploits» les moins connus demeure sa participation aux courses de berlines en Angleterre en 1961.

À cette époque, les grandes berlines Jaguar Mark II à six cylindres de 3,8 litres écumaient les pistes de course britannique. C’est à cette époque que Gurney, dont la réputation internationale commençait à peine à émerger, décida de tenter sa chance en Grande Bretagne au volant d’une voiture américaine. Il choisit alors une Chevrolet Impala 1961, un coupé à deux portes mû par un V8 de 409 pouces cubes (6,6 litres) de quelque 360 chevaux combiné à une boîte manuelle à quatre rapports. L’auto était à peine préparée pour la course ne serait-ce que pour ses échappement libres, des barres de stabilisation de Corvette, ses freins (à tambour!) de police/taxi et quelques prises d’air pour leur refroidissement. Il n’y avait pas, à ce moment-là, de cage de protection alors que l’intérieur y était au complet incluant la radio.

Encore une fois, à cette époque-là, les amateurs de voitures de sport ou de course se moquaient des «grosses Américaines» les traitant de pataudes sans tenue de route. Il est vrai qu’elles avaient la tendance à se coucher dans les courbes rapides…mais c’était sans compter sur les aptitudes du grand Gurney. Il s’est donc présenté en 1961 à Silverstone au British Saloon Car Championship (Championnat britannique des berlines) avec sa Chevrolet sous le rire général des témoins sur place.

Leurs moqueries se sont vite transformées en interrogations quand Gurney décrocha la pole position devant les puissantes Jaguar. Il a même dominé la course jusqu’aux derniers tours alors que le centre d’une jante déchira empêchant le pilote américain de continuer.

Il a donc décidé de se reprendre plus tard avec, cette fois, des jantes renforcées de NASCAR mais à sa grande surprise, son Impala ne se pliait plus aux «nouveaux » règlements de la série. (Gurney dira plus tard qu’il était sûr de l’influence de Lofty England, le directeur des compétitions chez Jaguar dans cette décision). Gurney vendit donc l’auto qui se retrouva en Australie (où elle fut découverte tout récemment avec la conduite à droite et un moteur à six cylindres). Il connut une «douce revanche» deux ans plus tard lorsque le Britannique Jack Sears gagna sept fois contre les Jaguar avec des Ford Galaxie 1963 à moteur de sept litres (427).

De retour en piste

L’impala de Gurney fut donc retrouvée en Australie (avec son V8 original à ses côtés) et complètement restaurée dans sa configuration originale pour servir de «pace car» l’été dernier lors de courses de «Vintage» à Goodwood en Angleterre. Le réputé Dario Franchiti en a pris les commandes (se demandant comment Gurney avait fait pour contrôler une voiture à la suspension aussi molle). Plus jamais les Britanniques (ni les Européens) ne se sont moqué des grandes américaines! Surtout pas de la Chevrolet Impala SS de Dan Gurney!

Note : saviez-vous que c’est Dan Gurney qui a institué le rituel de la «douche de champagne» en 1967 après sa victoire aux 24 Heures du Mans (Ford GT Mk IV avec A.J.Foyt). Auparavant, le gagnant ne faisait que déboucher la bouteille de champagne. Gurney, lui, a été le premier à brasser la bouteille et à arroser les gens autour de lui!