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Gilles Villeneuve

Comparé à Nuvolari

Texte : Denis Duquet

10 mai 2022

 Lorsque Gilles Villeneuve nous a quittés de façon spectaculaire un 8 mai 1982, il était en pleine gloire. En effet, un sondage dans le paddock en ce début de saison 1982 l'avait déclaré le pilote le plus apprécié et le plus doué  de la Formule 1. C'était en fort contraste avec son arrivée dans la catégorie reine de la course automobile en  1977.  

En effet, à la surprise générale, Enzo Ferrari avait nommé Gilles pour remplacer Nicky Lauda qui avait décidé de quitter la Scuderia avec deux courses à disputer au calendrier. Pas besoin de préciser que la surprise a été générale, car le nom de Villeneuve n'était pas connu en Europe puisqu'il n'avait disputé que des courses en Formule Atlantique en Amérique du Nord. Il avait bien disputé une course de Formule 1 avec l'écurie McLaren, mais c'était plus anecdotique qu'autre chose. 

Et comme c'est souvent le cas de la part des Européens vis-à-vis les sportifs nord-américains qui viennent tenter leur aventure dans un sport dominé par les représentants du vieux continent, les gens attendaient notre Canadien de pied ferme. Et ils ne se sont pas gênés pour le critiquer sans vergogne puisque les débuts de notre héros ont été plutôt difficiles. En effet, lors de sa première course à la piste de Mosport en Ontario, il a abandonné sur sortie de piste avec trois tours à compléter. Puis, au Japon, il est entré en collision avec la Tyrrell de Ronnie Peterson et s'envoler dans la foule.  

Heureusement, Gilles avait le soutien sans réserve de Monsieur Ferrari. Sur la piste d'essai de Maranello où Gilles abusait de la voiture, les pièces se rompaient et les ingénieurs trouvaient qu'il allait trop loin. En guise de réponse, le Commandatore leur a tout simplement dit de fabriquer des pièces plus résistantes. Malgré ce soutien, les débuts de la saison 1978 n'ont pas réussi à convaincre les critiques et ceux-ci le surnommaient  l’«Aviateur » ou « Air Canada » en raison de ses péripéties qui se tournaient toujours en catastrophe. Même sa victoire au Grand Prix du Canada dans des circonstances assez particulières n'a pas réussi à faire taire certaines critiques. 

Heureusement, la saison suivante, les choses se sont replacées et les gens ont apprécié le fait qu'il épaule le Sud-Africain Jody Scheckter à remporter le titre des pilotes. Mais, ce dernier était éclipsé par Gilles dans le cœur des Italiens qui retrouvaient en ce fou du volant tout ce qu'ils admirent chez un pilote de Formule 1. De plus, il représentait à merveille la représentation du cheval cabré qui est l'insigne de la Scuderia. 

Ce ne sont pas ses quelques victoires qui en ont fait une légende, mais surtout sa façon de piloter, toujours à la limite, souvent en dérapage et certainement spectaculaire. Alors que certains pilotes jouaient la carte de la sagesse, pour Gilles c'était l'audace, la témérité et parfois l'invraisemblable. Ses exploits sous la pluie sur le circuit de Watkins Glenn aux États-Unis, sa victoire au Grand Prix de Monaco au volant d'une Ferrari dont le moteur turbo compressé rendait la voiture quasiment impossible à conduire et, bien entendu, son duel avec René Arnoux au Grand prix de France sont autant d'éléments qui ont nourri sa légende. Gilles n’était plus l’« Aviateur », mais le "Funambule".

Mais ce qui a le plus contribué à faire de lui un pilote idolâtré partout sur la planète et spécialement en Italie, c'est lorsque Enzo Ferrari a déclaré que Gilles était le "Nuovo Nuvolari". Pour les Nord-Américains, cette appréciation est plus ou moins restée sans suite. Pour vous donner une idée de ce que l'importance de cette déclaration pouvait avoir, ce serait comme déclarer d'un joueur de hockey qu’il était le nouveau Guy Lafleur ou le nouveau Maurice Richard. 

En effet, Tazio Nuvolari est considéré même de nos jours comme le plus grand pilote automobile qui a jamais pris le volant. Il n'a peut-être pas été champion du monde, mais ses exploits sont légendaires et son audace incommensurable. Il a été le premier pilote à développer la technique de la glissade sur les quatre roues et il n’abandonnait jamais même lorsque la mécanique n'était pas à la hauteur. Il a réussi à remporter des victoires dans des conditions souvent invraisemblables et au volant de voitures peu compétitives.  

Dans les années 30, il était idolâtré, et ce même par cesconcurrents allemands. D'ailleurs, Ferdinand Porsche avait déclaré que Nuvolari était le meilleur pilote au passé, au présent et à l'avenir. Difficile de trouver meilleur compliment. 

Le fait que Gilles soit considéré par Monsieur Ferrari comme l’égal du meilleur des meilleurs, on ne peut en dire davantage. 

D'ailleurs, de nos jours, il est toujours plus adulé en Italie  qu'au Québec et au Canada. Il était déjà entré dans la légende par son comportement et ses exploits en piste, mais sa fin spectaculaire en piste a contribué à accentuer l'incroyable adulation des tifosi et de la planète course.