Grand Prix Monza 1979

À la rencontre de Gilles Villeneuve

Randonnée nocturne

Texte : Denis Duquet

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 C'était comme si c'était hier. Pourtant, cela fait 40 ans que le"piccolo canadese" nous a quitté suite à une embardée spectaculaire sur le circuit de Zolder en Belgique. Le dénouement de cette cascade lui a été fatal. 

Pour commémorer ce mauvais souvenir, nombreuses sont les personnes qui ont une anecdote concernant une rencontre avec Gilles, une déclaration de ce  dernier ou encore ses exploits en piste. J'ai eu l'occasion à quelques reprises de le rencontrer, mais nous n'étions pas des amis, mais au moins quand il me croisait, il me saluait par mon nom et entamait la conversation. 

Mon anecdote pour ma part, c'est lors du Grand Prix d'Italie 1979 alors que Gilles allait appuyer son compagnon d'écurie, Jody Scheckter, pour lui permettre de remporter le Championnat du monde des pilotes.

 Il y a tous les autres grands prix du calendrier, mais il n'y en a qu'un seul qui soit vraiment hors du commun, à part celui de Monaco bien entendu, et c'est Monza. La course en elle-même n'est pas toujours spectaculaire, mais les amateurs de haute vitesse sont comblés. En plus, la foule est d'un emballement total et dès qu'un moteur est lancé, tous se précipitent pour suivre l'action. 

Quant à moi, je devais être présent à Monza pour rédiger un article pour une publication montréalaise. J'étais en Allemagne dans la région de Bamberg quelques jours auparavant l'épreuve et j'ai pris le train le jeudi en direction de Milan. Mon entrée en gare est survenue vers 23 heures et je m'attendais à ce que mes collègues montréalais viennent me chercher, comme cela avait été convenu avant mon départ. 

La gare de Milan a été construite sous Mussolini et ce dernier avait vraiment la folie des grandeurs et cela se manifeste dans cet édifice. Il est colossal, massif et pas nécessairement de bon goût, mais c'est impressionnant. À l'intérieur, il est difficile de se retrouver dans ces immenses salles. 

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Gare ferroviaire de Milan

Arrivé au point de rencontre déterminé à l'avance, j'ai attendu 15 minutes, 30 minutes et après une heure, je savais qu'on m’avait oublié. Je n'avais aucune idée où mes amis  habitaient et je devais donc me débrouiller tout seul. 

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J’étais en train de consulter un panneau indiquant les hôtels en périphérie de la gare quand  un chauffeur de taxi m'a interpellé. Il m'a demandé :Taxi ? Je lui ai répondu :une chambre. Dans mon italien imparfait, j'ai parlementé avec ce dernier et nous avons conclu une entente. S'il me trouvait une chambre pour la nuit, j'allais lui payer sa course qui a été établie au préalable à environ une trentaine de dollars américains. Nous prenons la route et à quelques coins de rue de la gare, il arrête devant un hôtel. Je réalise alors qu'il m'avait escroqué puisque la course pour cet endroit n'était que de quelques dollars. Cependant, il sort de l'hôtel tout contrit, il n'y a plus de place. 

Et c'est là que ça démarre. Il fait la tournée de quelques hôtels dans la ville, mais il est bredouille. Pire encore, il m'indique que le réservoir de carburant de son taxi est presque vide et qu'il n'a pas d'argent pour payer. Heureusement, à cette époque, il y avait des pompes automates et j'ai payé pour quelques litres de carburant afin de me rendre à un hôtel, si jamais cela devait se réaliser. 

Nous avons tourné en rond, puis nous sommes arrivés dans un petit village qui m'a semblé tout près de Bergame, si je me fie aux indications routières que nous avons croisées. Puis, mon chauffeur stationne la voiture devant une salle de billard fortement éclairée et il pénètre à l'intérieur. Parlant et gesticulant il se tourne vers moi et me désigne de la tête à ses amis. Immédiatement, ceux-ci déposent leur queue de billard sur la table et sortent de la salle pour venir à ma rencontre. Je me demande si on va me régler mon compte, me voler, prendre ma valise ou pire ! 

Mais, pas du tout, puisque mon chauffeur leur a dit que j'étais canadien et que je connaissais Gilles Villeneuve et que j'étais venu en Italie pour assister à la course de dimanche. 

Ils ont tous voulu me parler, me questionner sur Gilles et supputer ses chances de remporter le Grand prix. Après avoir palabré pendant au moins une vingtaine de minutes, nous reprenons la route et à quelques rues de là, le taxi s'engouffre dans une petite rue étroite et mal éclairée. Il s'immobilise devant un édifice dont tous les feux sont éteints, cogne fortement à la porte, presque comme dans les films, et alors une lumière s'allume, une fenêtre s'ouvre et le chauffeur lui demande s'il avait encore une chambre de disponible. Ce n'était pas un hôtel, mais un Bed & Breakfast. Il n'a malheureusement pas de chambre disponible, mais lorsqu'il a appris d'où je venais et qui je connaissais, cette personne s'est empressée de descendre, d'ouvrir la porte principale pour venir me serrer la main et me demander si j'avais déjà serré la main de Villeneuve. Lorsque je lui ai répondu par l'affirmative, il était ému. 

Après un certain temps, j'en avais marre de demander à mon chauffeur de me ramener à la gare. Comme il craignait de perdre le montant de sa course, il m'a convaincu de continuer et il s'est arrêté devant un hôtel, le Grand Palace à Zingonia en banlieue de Bergame. Il pénètre dans le lobby  puis ressort les bras en l’air en criant : « J’ai trouvé une chambre ! ». Comme il était au moins deux heures du matin, cela n'a pas semblé plaire à certains  occupants de l'hôtel. Quoi qu'il en soit, il est tout fier, ouvre son coffre, me donne ma valise et exige alors une rétribution additionnelle pour tout le trouble qu’il s'est donné. Je m'emporte, le ton monte, et de plus en plus de fenêtres s’illuminent. J'ai fait un compromis en réglant la course en marks allemands ce qui a semblé la calmer et lui faire plaisir. 

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Le lendemain, j'ai pris l'autobus qui s'arrêtait en face del'hôtel et je me suis rendu à Monza pour ensuite monter dans un autre autobus pour me rendre à la piste. Tous mes collègues journalistes se demandaient d'où je sortais, mais j'ai pu assister à tout le week-end et rencontrer Gilles Villeneuve. Ce dernier a bien ri de mes aventures nocturnes  et ne s’est nullement étonné de l’admiration des tifosi envers lui.  

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On connait la suite, Scheckter a remporté la course devant Gilles. La foule était en délire et Gilles a reçu une ovation monstre lorsqu’il est monté sur le podium. 

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Le retour après la course s'est déroulé de façon spectaculaire alors que Mario Luini, journaliste couvrant la Formule 1 pour un journal de Lausanne, nous a fait traverser les Alpes à la vitesse d'une voiture de rallye. J'étais impressionné par sa dextérité au volant, mais également par la façon dont il abusait de la voiture. Le pire, c'est que son collègue et ami Willy Richard était le propriétaire de cette Opel. Assis  sur le siège du passager, il n'a pas manifesté aucun désagrément de voir sa voiture se faire «brasser" de la sorte. Ajoutons que Willy s’est fait connaître comme étant le peintre de la F1 en plus de signer plusieurs bandes dessinées, dont une mettant Gilles en vedette. 

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Willy Richard

Finalement, après quelques jours chez WillyRichard à Guyon, un petit village tout près de Lausanne, mon périple s'est terminé par un vol d'Air CanadaGenève-Zurich-Montréal. 

Ce voyage fut inoubliable.