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Histoire de chars:

ma première visite au Japon

Par Denis Duquet

30 avril 2020

Chroniqueur automobile depuis des dcennies, Denis Duquet se remémore quelques souvenirs de sa carrière.

Temple Doré, Kyoto

Au cours de ma carrière, je suis allé au Japon à 23 reprises, si mon compte est bon. Il faut se souvenir qu’à une certaine époque, au cours des années 80, la plupart des constructeurs japonais n’avaient pas d’usine sur notre continent et on nous invitait afin que l’on découvre les qualités de leurs voitures ainsi que la richesse de leur héritage culturel. Il ne se passait pas une année sans qu’on ait deux à trois invitations pour aller faire un tour au pays du soleil levant.

À première vue, cela semble intéressant : en effet, un voyage aux frais de la princesse dans un pays intrigant et mythique à la fois. Pays qui nous proposait des voitures de plus en plus sophistiquées et toujours d’une grande fiabilité. Ma première expérience avec ce pays et sa culture automobile a été suite à une invitation de Toyota.

Pour s’y rendre, le voyage par voie aérienne est relativement long puisqu’il faut se rendre à Vancouver à partir de Montréal dans un premier temps, un trajet d’environ six heures, pour ensuite prendre l’avion en direction de Tokyo ou Nagoya selon le cas. Cette fois, c’est un vol d’une dizaine d’heures. Il faut savoir que dans les années 80, il était permis de fumer dans certaines portions de la cabine et qu’en plus, nous ne bénéficions pas dans une sélection de films que l’on pouvait visionner en tout temps du vol. Dans le meilleur des cas, on avait droit à deux films et ceux-ci n’étaient pas toujours des plus intéressants.

Quoi qu’il en soit, notre avion de Japan Airlines a atterri à Tokyo de façon assez spectaculaire puisqu’un typhon soufflait sur le pays et notre gros 747 était secoué comme un fétu de paille. En fait, notre vol a été le dernier à se poser à l’aéroport de Narita qui a été fermé par la suite pour trois jours. C’est dire l’ampleur de la tempête.

Comme les autobus ne pouvaient pas circuler, on nous a enfournés dans des taxis qui ont pratiquement navigué jusqu’au centre-ville de Tokyo. Et là, pendant deux jours, cloisonné dans notre hôtel, on regardait la pluie tomber et le vent souffler. Mais nous n’étions pas au bout de nos peines puisque lorsque le beau temps est revenu, les organisateurs de ce voyage ont décidé de ne pas amputer aucune activité qui avait été prévue pour huit jours, on les a condensées en cinq journées.

Par la suite, ce fut un chassé-croisé entre le Shin Kan Sen, le célèbre très roulant à plus de 250 km/h, et différentes villes de la péninsule nipponne. J'ai alors découvert qu’au mois d’août, la chaleur est étouffante et l’humidité est encore plus éprouvante. Et comme le peuple japonais à un respect quasiment maladif de la ponctualité, il n’était pas question d’être en retard sur les différents rendez-vous qui avaient été prévus. Dès que l’on sortait du train, il fallait pratiquement suivre notre guide au pas de course tandis que le transport des bagages était confié à des porteurs qui croulaient sous nos lourdes valises.

 

Et cette ponctualité n’est pas une rumeur répandue par certains touristes frustrés. En effet, lors du premier matin de notre départ par autobus pour se rendre à la gare, notre guide est entré à la course dans l’autobus et s’est excusé, en s’inclinant à plusieurs reprises, d’être 30 secondes en retard sur l’itinéraire et l’horaire. Nous avons tous compris que les retards n’étaient pas acceptés. Pourtant, à cette époque, il y avait un important tournoi de sumo se déroulant au pays et télévisé sur les grandes chaînes. Au fil des jours, nous avons pris l’habitude de regarder ces émissions dont la télédiffusion correspondait généralement à notre heure de départ pour le souper. Avec pour résultat que tout le monde était en retard pour le départ, jugé par nous-mêmes moins important qu’un début de journée. Nous avons tellement manqué à la règle, qu’on a décidé de réviser l’horaire pour nous permettre de regarder ces combats. Et même si le sumo nous était plus ou moins connu, la plupart d’entre nous ont rapidement apprécié la rapidité et l’agilité de ces mastodontes.

Pour le reste, ce fut une succession de trajets à travers le pays sans que nous ayons le temps de reprendre notre souffle. De plus, à cette époque, le veston et la cravate étaient obligatoires, du moins pour le souper. Donc, en plus de manger une foule de mets étranges et parfois intimidants à regarder, nous crevions tous de chaleur avec nos vestons nettement trop chauds pour la période. Et avons dû nous familiariser avec une restauration et une alimentation inconnus.

D’ailleurs, même dans la journée, où nous pouvions porter des vêtements plus légers, sur les photos, on remarque une bande de journalistes la broue dans le toupet, les chemises collées à la peau par la sueur et qui semblaient tous être victime d’un coup de chaleur.

Notre but était de faire l’essai de la nouvelle Tercel. Ce qui s’est déroulé dans un terrain d’essai de Toyota, pas question de nous lâcher sur les routes japonaises avec des voitures à conduite à droite. Sur la piste d’essai, nos véhicules étaient des modèles nord-américains avec le volant à gauche. Et les Japonais ont le sens de l’organisation et du protocole. Bref, devant chaque voiture d’essai, il y en avait au moins une dizaine, on retrouvait une petite table sur laquelle étaient posés deux verres, une bouteille de Fanta ainsi qu’une autre d’eau minérale. Sans oublier une boîte à cigarettes et un cendrier, accompagné d’un briquet bien entendu. En effet, surtout à cette époque, la majorité des hommes fumait et on ne pouvait s’imaginer une activité sans cigarette.

En plus du décalage horaire, de certaines conventions sociales auxquelles je n’étais pas habitué, ce voyage m’a permis de découvrir un peuple très différent de ce que je m’étais imaginé. Et en plus, le rôle des femmes à cette époque était vraiment laissé au second plan. D’ailleurs, jeunes filles comme femmes plus âgées, ne pouvaient rire sans devoir couvrir la bouche d’une main par mesure de politesse.

Bref, je suis revenu de ce pays indécis quant à savoir si j’avais été impressionné ou déçu de cette première expérience qui m’avait ouvert les yeux quant à la réalité de ce pays ultra industrialisé, doté de chemins de fer ultra efficaces et d’embouteillages monstres.