Revenir au site

 

Hoffmann 1951 – TASCO 1948 

texte de Denis Duquet

5 février 2023

Tout au long de la longue histoire de l’automobile, nombreux ont été les véhicules dont la conception technique, les formes et l’originalité se sont démarquées. La plupart de ces efforts se sont soldés par des exemplaires uniques, impropres à la production en série aussi bien en raison de leur technologie, de leur prix ou de leur conception en avance de son temps.

Nous avons choisi deux modèles forts originaux pour souligner le phénomène : la Hoffmann 1951 et le TASCO 1948. Le premier est une horreur sur le plan visuel et cauchemardesque au chapitre de la
technologie. Quant au second, il empruntait trop d’éléments à l’aviation pour être viable pour une production en série, mais il a quand même été le premier à offrir un toit en T.

Hoffmann 1951

Cette voiture a été produite à un seul exemplaire par Michael Hoffmann, un surintendant d’atelier de Munich. Sa création peut se qualifier comme étant l’une des plus laides automobiles jamais produites tandis que sur le plan technique, il s’agissait pratiquement d’un Frankenstein mécanique.

Sur le plan visuel, cela ressemble à un bol renversé dont une partie serait allongée. Généralement, sur une auto, les rondeurs sont appréciées, mais cette fois-ci, c’est complètement ridicule. Il faut ajouter
également la présence de portes-suicides tandis que la planche de bord était limitée à sa plus simple expression. Cependant, c’est surtout au niveau technologique que la voiture est déficiente, et ce à plusieurs niveaux. En voici une courte liste :

- Les fenêtres sont ouvertes ou fermées à l’aide d’une courroie que l’utilisateur tire et celle-ci est tenue en place avec des œillets et un pivot.

- Des portes-suicides et une position de conduitemal conçue rendent difficile de prendre place à bord et d’en débarquer.

- Le démarreur est placé tout près de la hanche droite du conducteur.

- Le tube de remplissage d’essence traverse l’habitacle à partir du toit.

- Les roues avant sont plus larges que l’empattement de la voiture.

- Les changements de vitesse sont linéaires avec une position neutre entre chaque rapport. La boîte manuelle est à trois rapports.

- La roue motrice arrière est placée directement derrière le conducteur, ce qui cause un très long porte-à-faux à l’arrière.

- La roue arrière directionnelle.

- Ces deux dernières caractéristiques provoquent un louvoiement de la voiture sur la route.

- Le moteur est placé sur le même pivot que le mécanisme de direction, de sorte que le moteur bouge lorsque le volant est actionné.

- Le pilier A bloque totalement la visibilité vers le rétroviseur extérieur.

- Le moteur deux-temps nécessite un mélange d’huile et d’essence.

- Le moteur monocylindre comporte de plus grandes vibrations qu’un moteur à plusieurs cylindres.

- Le moteur est refroidi à l’air, mais l’absence de ventilateur provoque une surchauffe du moteur lorsqu’on est stationné au ralenti.

Cette voiture aux allures très spéciales est basée sur un tricycle motorisé relativement populaire dans les années 30 en Allemagne. Cette voiture s’appelait Goliath et Michael Hoffmann a enlevé la carrosserie pour y installer celle qu’il a fabriquée, mais en la plaçant en sens inverse. Auparavant, la roue directionnelle était à l’avant, elle s’est retrouvée à l’arrière. En plus, on a conservé le même moteur, le mono cylindres de 247 cc produisant six chevaux, ce qui permettait d’atteindre une vitesse maximale de 45 km/h.

Quant à la carrosserie, elle est tout en aluminium et a été martelée par son créateur. Franchement, difficile de concocter une silhouette aussi laide. Heureusement, il y a n’a qu’un seul exemplaire qui a été restauré ou cours des 20 dernières années et qui se retrouve dans un musée aux États-Unis.

TASCO 1948

Si la Hoffmann se caractérise parune silhouette assez anachronique, le TASCO propose un stylisme très poussé et très évolué, inspiré par l’avionnerie. Et si la concoction germanique de Hoffmann est quasiment grotesque et dispute le titre de voiture la plus laide au monde à quelques autres exemplaires de mauvais goût, le TASCO ressemble pratiquement à un avion sans elle est doté de roues.

Il est la création de Gordon Buering, styliste accompli et un ingénieur dans plusieurs réalisations qui ont marqué l’histoire de l’automobile notamment la Auburn Speedster, la légendaire Cord ainsi que plusieurs variantes de la Duesenberg Modèle J. Après le second conflit mondial, il a reçu la commande de la compagnie TASCO – The American Sports Car Company- pour concevoir une voiture sport américaine. Les soldats qui étaient revenus de la guerre et qui avaient connu des voitures de sport en Grande-Bretagne étaient à la recherche de véhicules de cette catégorie.

Notre styliste a concocté une voiture dotée d’un nez allongé et d’un arrière très court. Bien entendu, ce véhicule était un deux places. Si en théorie cela respectait les normes d’une voiture de sport, il en a ajouté plus que le client en demandait en injectant une forte dose d’ADN dérivée de l’aviation.

La section avant est particulièrement originale avec une calandre verticale encadrée par des prises d’air verticales qui permettent au moteur de recevoir de l’air. Comme si cela n’était pas assez pour la section avant, les roues sont indépendantes de la carrosserie et elles sont entièrement carénées. En plus, la section arrière se termine en pointe comme sur un avion et se termine par une coquille transparente. Bref, la TASCO ressemblait plus à un avion sans aile et sans hélice qu’à une automobile de sport.

Et cette similitude s’est poursuivie dans l’habitacle alors que le tableau de bord semble directement
dérivé de celui d’un avion avec des cadrans installés sur toute la largeur. En plus, des leviers de type aéronautique gèrent différentes commandes. La carrosserie tout en aluminium a été réalisée par une compagnie de Philadelphie, Derham Body Company, qui a monté la carrosserie sur un châssis fortement modifié d’un Mercury tandis que la puissance était fournie par un moteur Ford V8 « flathead ».

Malheureusement, cette voiture était jugée trop audacieuse pour la période. Mais, c’est surtout son prix élevé qui l’aurait désavantagé puisqu’à l’époque, on entrevoyait le prix de vente de $7000 US, soit l’équivalent de nos jours à plus de $80 000. Pour ces raisons, le projet a été abandonné et Buehrig est allé travailler chez Ford et Lincoln.

Une première

Si la TASCO 48 s’est démarquée par son stylisme dérivé de l’aviation, elle a également été la première voiture à proposer un toit en T. Ce premier type de toit installé sur une voiture de production l’a été sur la Chevrolet Corvette 1968. Cependant, la grande primeur revient à la TASCO qui en était dotée une vingtaine d’années auparavant. Notre inventeur a reçu un brevet du gouvernement américain pour son invention de toit à partie amovible, mais même lorsqu’il travaillait chez Ford, il ne leur a pas proposé son invention.

Cependant, lorsque Chevrolet a offert cette innovation sur la Corvette, on ignorait ou ne voulait pas
reconnaître que le brevet de Buehrig était toujours valide et il a poursuivi General Motors. Les deux parties se sont entendues et le constructeur a été en mesure de continuer de fabriquer la Corvette avec ce toit en T qui a connu beaucoup de popularité et qui en connaît toujours.

Si les formes du TASCO étaient avant-gardistes pour l’époque et ses coûts de fabrication irréalistes, il n’en demeure pas moins que ce projet a été le premier à proposer un toit à panneaux amovibles. Cependant, il faudra attendre deux décennies avant que ce soit produit en grande série.