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Les débuts de la Toyota Prius au Canada. Rien ne garantissait l’avenir

Texte : Denis Duquet

Photos : Toyota Canada

30 juillet 2020

Denis Duquet est chroniqueur automobile depuis plusieurs décennies et nous raconte les événements qui ont jalonné sa carrière. Cette fois, il nous raconte les débuts de la Toyota Prius au Canada.

De nos jours, les voitures à motorisation hybride ne sont plus l’exception. En effet, Toyota en tête, nombreux sont les constructeurs qui adoptent cette technologie qui permet non seulement de réduire la consommation de carburant, mais également les émissions de gaz à effet de serre.

Mais, il y a une couple de décennies, rien ne pouvait garantir le succès de cette technologie. En fait, Toyota a commercialisé les premiers exemplaires de la Prius en 1997 sur le marché japonais. À cette époque, cette technologie était considérée comme révolutionnaire ou presque. Mais, pour compenser les investissements massifs effectués dans le développement de cette motorisation, il fallait que ce constructeur puisse diversifier son offre sur plusieurs marchés. Bien entendu, il était essentiel que cette voiture soit commercialisée d’une façon ou d’une autre sur notre marché.

Mais on s’interrogeait chez Toyota Canada à savoir si ce type de voiture allait connaître quelques succès. Mais afin de parer à toute éventualité, on a initialement ciblé le gouvernement canadien qui avait voté une politique visant à ce que plus de 1000 voitures à taux de pollution très réduit- ULEV- soient achetées par les divers services gouvernementaux. À cette époque, seule la Prius à moteur hybride répondait à ces critères. On s’est donc dit chez Toyota Canada que le risque était moindre puisque la demande du gouvernement canadien allait au moins garantir d’une certaine quantité de voitures vendues.

Pour annoncer la venue de ce nouveau modèle, le constructeur a réuni plusieurs journalistes en 1998 afin de nous présenter cette voiture que l’on jugeait révolutionnaire à l’époque et qui n’était pas sans soulever de nombreuses interrogations. Et bien entendu, on avait choisi la ville d’Ottawa, parce que le gouvernement fédéral y est établi et que c’était un moyen de tenter de faire du capital politique avec cette présentation.

Sauf le moteur et la planche de bord

Au premier coup d’œil, on croit voir une berline Echo légèrement modifiée dotée de roues à faible résistance de roulement, avec un coffre amputé d’une bonne partie de sa capacité pour faire place aux piles électriques et en plus, la planche de bord était d’une conception assez particulière. En effet, le centre d’information est placé sur la partie supérieure centrale du tableau de bord tandis que plusieurs commandes étaient inusitées pour cette époque. Détail à souligner, tous les plastiques utilisés dans l’habitacle étaient durs, ultra dur. Ça ne change rien à la technologie placée sous le capot, mais on aurait pu faire un effort. Mais quand on prévoit vendre une voiture 30 000 $ et qu’il en coûte 60 000$ produire, on peut excuser Toyota d’avoir voulu faire quelques économies avec les matériaux de l’habitacle.

 

Mais là où on a investi beaucoup d’argent, c’est au chapitre de la mécanique alors qu’on a développé un moteur quatre cylindres 1,5 litre de 70 chevaux associé à un moteur électrique de 44,chevaux alimenté par une pile placée derrière le siège arrière. Le tout géré par un système de gestion électronique tandis que la répartition aux roues avant est effectuée par une transmission à rapports continuellement variables. Le système était révolutionnaire pour l’époque alors que le moteur thermique avait pour effet de propulser la voiture tout comme le moteur électrique qui intervenait à l’occasion. Parfois on était en mode essence, parfois en mode électrique ou une combinaison des deux. Les premiers tours de roue étaient en mode électrique.

Plusieurs interrogations se posaient. Est-ce que cette nouvelle mécanique sera aussi fiable que les autres motorisations proposées par Toyota ? Quelle sera la durée de cette batterie qui se recharge par la régénération du freinage entre autres ? En plus, la silhouette assez peu excitante de cette nouvelle venue ne convaincra pas beaucoup d’acheteurs par sa silhouette.

 

La Prius a été la première voiture à motorisation hybride de production en série à l’époque. Vous allez me dire que Honda avec son modèle Insight était également dans la lutte. Cependant, ce dernier modèle était plus expérimental qu’autre chose avec sa carrosserie en grande partie en aluminium, sa silhouette entièrement dictée par l’aérodynamique en plus d’être seulement un hatchback deux places. Il consommait moins que le Toyota, mais se limitait à une clientèle nettement plus restreinte.

Honda Insight

On prend la route

Après les présentations d’usage et les explications quant à savoir pourquoi on voulait commercialiser ce modèle au Canada alors qu’il avait été jusqu’à présent réservé au marché japonais. On nous a appris que les intentions du gouvernement fédéral d’acheter des véhicules ULEV étaient suffisantes pour tenter l’avant l’aventure en plus de l’offrir aux consommateurs canadiens.

On nous a ensuite offert de prendre le volant et de mettre à l’essai cette voiture aussi mystérieuse qu’innovatrice. En fait, la seule chose vraiment extraordinaire était sous le capot. En effet, je l’ai déjà mentionné, la silhouette était quelconque, la planche de bord déconcertante et la présentation générale de l’habitacle ne s’apparentaient pas à une voiture dont le prix estimé devait être de plus ou -30 000 $. Pour le reste, la voiture se comportait comme véhicule ordinaire.

Si on fait exception de la direction à assistance hydro-électrique qui n’offrait pratiquement aucune rétroaction de la route. Les accélérations sont plutôt déficientes, 0-100 km/h en 12,5 secondes, mais il faut se convaincre que l’on conduit l’une des voitures les plus écologiques de la planète appelée à être offerte à un grand public. Mais la surprise, ce ne fut pas une tenue de route quelconque, une insonorisation perfectible ou l'inconfort des sièges avant qui ont été mis en évidence. C’était le freinage.

Lorsqu’il fallait freiner, il y avait un sérieux délai entre le fait d’appuyer sur la pédale de frein et l’entrée en action des freins. On s’y habitue, mais lors du premier freinage dans le centre-ville d’Ottawa, la circulation s’immobilise et j’appuie sur la pédale de frein et rien ne se produit ! Panique momentanée puisque les freins ont décidé de collaborer et immobiliser la voiture. Cette caractéristique a accompagné les premières Prius jusqu’à l’arrivée de la seconde génération en 2003.

Ce comportement inquiétant au début s’expliquait par le système de régénération. Ce n’était certainement pas une caractéristique incitant la conduite sportive.

Une petite excursion sur une autoroute m’a convaincu que ce n’était pas la voiture rêvée pour circuler sur les autobahn. Les performances étaient moyennes, si on va être poli et l’agrément de conduite avait une cote aussi basse que celle de la production de gaz à effet de serre.

Devant ce résultat mitigé, la plupart des journalistes présents ne semblaient pas trop enthousiastes face cette voiture aussi fade à l’exception de sa mécanique. Mais comme le mentionnait mon collègue Jim Kenzie, on offre à moitié prix une voiture qui coûte 60 000 $ à son producteur. Il est difficile de refuser l’offre.

Bref, deux ans plus tard, la Primus est arrivée sur le marché canadien et elle faisait à l’époque figure de nouveauté technologique. Les débuts sur le marché ont été assez modestes, mais il ne faut pas oublier que Toyota a modifié cette voiture à de multiples occasions, pour en faire un véhicule d’exception à tous les points de vue. En plus, malgré son caractère parfois techniquement avancé, la fiabilité a toujours été au rendez-vous. Et la même chose pour la pile, celle-ci semble être d’une longévité à toute épreuve.

Prius 2020

Vingt ans plus tard, la Prius est la voiture hybride la plus vendue dans le monde.