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Mémoires de char

Mercedes-Benz Classe S 1992

Manque de freins dans la Forêt-Noire

Texte : Denis Duquet

25 juillet 2021

 

Le fait d'être chroniqueur automobile n’est pas sans offrir  de nombreux avantages, comme la possibilité de piloter des voitures exceptionnelles, de grand luxe ou même exclusives. Et cela assez souvent dans des conditions optimales, généralement en Europe. En 1984, Mercedes-Benz m’a invité à prendre connaissance de sa nouvelle gamme de berline de Classe S en Allemagne, et tout particulièrement dansla région de la Forêt-Noire. 

Comme c'est souvent le cas avec ce constructeur, on quitte l'hôtel, généralement avec un copilote, pour se diriger vers une auberge ou un restaurant qui sert de centre nerveux de notre journée d'essai. 

Par la suite, on met à notre disposition une multitude de circuits de 20 à 30 kilomètres pour nous permettre d'essayer la plupart des véhicules et leurs caractéristiques. Bien entendu, ces différents circuits varient et sont de nature à nous permettre de découvrir les qualités techniques et routières de ces voitures. 

Lors de ce voyage, j'ai été associé au réputé chroniqueur automobile David E. Davis qui était à cette époque le rédacteur en chef de la populaire revue américaine Car and Driver. C'est lui qui avait conçu la phase «Cogito Ergo Zoom » qui signifie en traduction libre « Je pense donc je conduis rapidement ». Sous sa gouverne, une foule de journalistes iconoclastes n'avait pas peur de s'en prendre à des institutions sacrées, à promouvoir la conduite très sportive et plusieurs de ces articles étaient controversés. 

Quant à David E. Davis, le bonhomme avait toute une réputation. Toujours habillé à la britannique, arborant une barbe finement ciselée, c'était un homme de goût et de connaissances. Mais gare à vous si vous le déceviez au chapitre de la conduite automobile ou si vos connaissances générales ou sur le monde automobile n"étaient pas à la hauteur! Si vous le déceviez, il ne  se gênait pas de vous faire savoir son opinion. D'ailleurs, plusieurs confrères américains, lorsqu'ils ont appris que j'allais rouler avec David E. , comme ils l'appelaient, me souhaitaient bonne chance et m’avertissaient fortement de bien me comporter sur la route et de faire étalage de mes qualités de pilote. 

Il faut dire que le premier contact a été relativement positif alors que nous avons parlé de choses et d'autres et que le sujet est venu sur la race de chien italienne Spinone dont il était un inconditionnel. Lorsque je lui dit être passé à deux doigts de m'en procurer un, mais que mon choix s'était rabattu sur un Griffon Korthal, qui a plusieurs similitudes avec le Spinone, il m'a félicité de mon choix mais quand même suggéré que, lors de l'acquisition de mon prochain chien, de s'intéresser à la race italienne. 

Spinone

Gtiffon Korthal

Bref, parlant de choses et d'autres, la discussion est bien entamée et après avoir franchi un long parcours montagneux et sinueux, le temps était venu d'entamer la descente. Sans vouloir dépasser les limites du raisonnable,  je tentais de lui prouver que j'étais capable de conduire vite et bien. Mais, au second virage,  j'appuie sur les freins et la pédale s'enfonce au plancher. Rien à faire, la voiture ne veut pas ralentir. Il s'en est suivi une longue descente fort mouvementée avec des virages relativement prononcés abordés à vive allure. Sur les Mercedes Benz, le frein de secours est une pédale à la gauche du pédalier, et j'ai essayé tant bien que mal de l'utiliser afin de ralentir la voiture qui prenait de plus en plus de vitesse. 

Après quelques kilomètres de conduite assez échevelée, nous avons enfin retrouvé une longue section de route plane, j'ai été en mesure d'immobiliser la voiture qui fumait de partout, et je me suis retourné vers David E. et nous avons éclaté de rire. Il m'a serré la main il m'a dit : « Very good, excellent driving.». 

Bien entendu, pas question de continuer notre trajet avec une grosse berline de luxe dont les freins ne voulaient pas collaborer. Nous avons attendu une quinzaine de minutes, et un autre membre du groupe s'est montré le bout de la calandre sur notre route, il s’est arrêté et nous avons expliqué notre pénible situation. 

Une demi-heure plus tard, les mécanos du constructeur sont arrivés, avec une plate-forme de remorquage, et une voiture de rechange pour nous. David E. Davis a alors pris le volant et m'a félicité à nouveau de nous avoir sauvé la vie . Je n'en demandais pas tant. 

Au souper, ce dernier n'a cessé de vanter mes qualités de pilote aux gens de chez Mercedes-Benz, aux autres journalistes. Tant mieux pour moi !  

Par la suite, il est toujours venu me serrer la main lors de différents événements, m’a  demandé à quelques reprises d’être son copilote et même un  jour, au Salon hide l'auto de New York, il était en compagnie de son épouse qui portait les initiales LJK, et m'a présenté comme étant l'un des meilleurs journalistes automobile au Canada. Bref, notre petite randonnée l'a vraiment impressionné.