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Stout Scarab: La première fourgonnette était révolutionnaire

texte de Denis Duquet

15 juillet 2022

Lorsque Chrysler a lancé sa fourgonnette en 1984, la plupart des gens parlaient d’une première puisque c’était le premier modèle du genre destiné à une utilisation familiale. Il y avait bien eu des fourgonnettes sur le marché auparavant, mais il s’agissait de véhicules essentiellement
commerciaux et tous étaient des propulsions, tandis que la fourgonnette de Chrysler était une traction.

Cependant, bien que celle-ci soit révolutionnaire dans une certaine mesure, il faut remonter dans les années 30 au XXe siècle pour qu’un ingénieur du nom de William Bushnell Stout conçoive et produise la première fourgonnette destinée à des voyageurs. Ce dernier est un ingénieur automobile et un ingénieur en aéronautique qui a combiné ses connaissances dans les deux matières pour concevoir ce véhicule dont l’allure est plus qu’excentrique, mais qui répond bien aux besoins de ce type de moyen de transport. En effet, si on veut simplifier, c’est un hybride entre un autobus de passagers de l’époque et la berline Chrysler Airflow. Rien dans ce véhicule ne s’apparente à de ce qui était produit à l’époque. À l’avant, pas de grille de calandre, puisque le moteur était situé à l’arrière. Justement, à l’arrière, de chaque côté du Scarab, on trouve trois prises d’air afin d’alimenter le moteur en air, tandis que,
tout à l’arrière, une grille de style Art déco permet d’extraire la chaleur du moteur. On ne peut trouver plus excentrique que cela. 

Passer au salon 

Avant d’élaborer la conception technique du Scarab,une visite de l’habitacle nous confirme la vocation pratique et touristique de ce modèle. En effet, les occupants des places avant sont installés dans des
sièges baquets et celui du passager de retourne vers l’arrière pour participer à la discussion avec les gens aux places arrière. Ceux-ci sont assis sur une large banquette et on retrouve même une table amovible qui permet soit de casser la croûte, de jouer aux cartes ou encore de travailler à la rédaction ou la consultation de documents. En plus, un autre siège baquet est placé derrière celui du conducteur et la banquette arrière.  

Et comme sur les fourgonnettes que nous connaissons de nos jours, on accède à l’habitacle par une portière centrale du côté droit. 

Sans être nécessairement un véhicule à vocation luxueuse, le Scarab proposait à ses occupants des sièges en cuir, des appliques en bois rare et une finition très poussée pour l’époque. Le pavillon était
assez original alors qu’il était réalisé en roseau tressé. En plus, Williams Stout considérait le Scarab comme un bureau sur roues. 

Techniquement avancé

Quand un ingénieur décide de construire son propre véhicule,il se peut que la conception sorte des sentiers battus et c’est ce qui est arrivé avec le Scarab. En premier lieu, alors que la plupart des véhicules de cette époque étaient fabriqués avec un châssis autonome sur lequel on boulonnait
une carrosserie, cette fourgonnette innovatrice était monocoque. En plus, les suspensions étaient indépendantes aux quatre roues. Stout a fait appel à des ressorts hélicoïdaux à l’avant comme à l’arrière, tandis que la suspension arrière était constituée par des essieux oscillants. Cette configuration a été utilisée plus tard par nul autre que Colin Chapman sur la Lotus 12 en 1957.
Incidemment, cette suspension arrière était inspirée du train d’atterrissage d’un avion.

Malgré ses dimensions assez imposantes, cette fourgonnette pesait moins de 1400 kg en raison de sa carrosserie en aluminium. Soulignons au passage que la silhouette a été dessinée par John Tjaarda, un ingénieur hollandais très connu à l’époque.

Pour optimiser l’espace dans l’habitacle, le moteur a été placé à l’arrière et il s’agit d’un moteur V8 de type « flathead »fabriqué par Ford, une configuration très populaire à l’époque. Celui-ci était monté de
façon inversée et placé directement sur l’essieu arrière. La transmission était vers l’avant. Celle-ci était une boîte manuelle à trois vitesses. Cette configuration fort inusitée pour l’époque a été également utilisée sur la Lamborghini Countach beaucoup plus tard.

Bien que révolutionnaire à plusieurs points de vue, on peut se demander pourquoi le Scarab ne possédait pas de rétroviseurs extérieurs, alors que la visibilité arrière était quasiment inexistante. Il faut également souligner que l’indicateur de vitesse et les cadrans principaux étaient placés
au centre de la planche de bord.

Fabrication individuelle 

Comme bien des véhicules innovateurs de l’époque, le Scarab a été produit en très petite quantité, pour connaître une fin de carrière interrompue par la guerre. Le premier modèle en mesure de prendre la route a été dévoilé en 1932 . Puis au cours des trois années suivantes, on a procédé à
de multiples améliorations et raffinements pour entreprendre la production des premiers modèles dans une usine située à Dearborn dans le Michigan.

Chaque véhicule était fabriqué à la main et on avait remplacé l’aluminium par de l’acier afin de
réduire les coûts. Stout prévoyait une production d’une centaine de véhicules par année, mais selon les sources de l’époque, seulement huit auraient été construits et complétés. Comme bien d’autres projets, la guerre est venue bousculer les plans et la production a été interrompue.

Cependant, en 1946, Stout dévoile un nouveau modèle, d’allure beaucoup plus simplifiée, avec une carrosserie en fibre de verre et une suspension pneumatique. Il faut souligner que celle-ci a été développée par Firestone en 1933.

Bien qu’éminemment pratique et offrant de multiples innovations sur le plan technique, plus aucune Scarab ne sera produite ou commercialisée. Mais, force est d’admettre que notre inventeur ne manquait pas d’audace et d’imagination.