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Le nouveau Tundra : Toyota vise-t-il juste?

Texte de Éric Descarries

6 mai 2022

Ce n’est plus un secret pour personne! On sait tous que les grands constructeurs américains ont réussi à rendre captif le marché local avec leurs grandes camionnettes pick-up. Toutefois, un seul constructeur, d’origine japonaise celui-là, tente de leur tenir tête. Un seul puisque depuis que Nissan a lancé la serviette avec son Titan, la seule autre marque nippone à s’aventurer dans ce segment, c’est Toyota avec son Tundra. Et celui-ci vient d’être complètement refait…après huit ans du même modèle.  

Quand on dit «complètement refait», c’en est certes le cas pour le Tundra 2022. Outre un design dont il sera question plus loin, la transformation commence par un tout nouveau châssis-cadre complètement à caisson («boxed» en anglais) qui permet l’utilisation d’une suspension arrière avec ressorts à boudins (quoique le pont demeure rigide). Tout à l’avant, on retrouve désormais un moteur V6 (vous souvenez-vous lorsque Toyota s’est lancé dans ce segment avec son modèle T-100, il n’y avait que des V6 ce qui fut vivement critiqué par les amateurs de pick-up qui, eux, ne croyaient qu’aux V8 ?). Soulignons-le, il n’y a plus de V8 au catalogue du Tundra. Cependant, ce V6 de 3,4 litres (qui n’a aucun lien de parenté avec le V6 du Toyota Tacoma) peut être livré en version biturbo de 389 chevaux et 479 li-pi de couple (un peu moins puissant avec la propulsion seulement) ou en version hybride auquel on a ajouté un moteur électrique d’une quarantaine de chevaux ce qui porte la puissance totale à 437 chevaux et 583li-pi de couple ce qui est nettement plus puissant que l’ancien V8! Néanmoins, déjà des critiques se sont fait entendre. Ils veulent ravoir le V8 sans peut-être se rendre compte que la concurrence soit à délaisser cette configuration de moteur (Ford a déjà beaucoup de succès avec son V6 EcoBoostalors que GM a annoncé que le moteur de base de ses Silverado et Sierra sera désormais un quatre cylindres turbocompressé de 2,7 litres!). 

Autre amélioration technique majeure, le nouveau Tundra ne sera disponible qu’avec une boîte automatique mais maintenant à 10 rapports ! Par contre, vu que la majorité des acheteurs opteront certes pour la motricité aux quatre roues motrices sur commande, je me demande pourquoi la fonction 4 X 4 Auto n’y est pas! Il n’y a que la propulsion régulière, la motricité aux quatre rouesrégulière (High 4 X 4) et la motricité aux quatre roues surmultipliée (Low 4 X 4). Quant au rapport de pont final, Toyota n’en a choisi qu’un seul : 3,31 :1.  

De retour à la cabine, il y a deux versions au catalogue, l’allongée à quatre portes et la cabine d’équipe aussi à quatre portes. Quant à la caisse, elle est disponible en trois versions, celle de 8,0 pieds, celle de 6,5 pieds et celle de 5,5 pieds.  

On reconnaîtra le nouveau Tundra à sa très imposante calandre agressive mais aussi au pare-chocs enveloppant auquel il manque les indispensables crochets, une sorte d’oubli qui, selon certaines sources, devrait être corrigé sous peu. La caisse, elle, est de plastique renforcé sur structure d’aluminium. Par contre, le panneau arrière (plus léger et plus facilement manipulable) ne comporte aucun accessoire qui facilitera l’accès à la caisse. Pourtant, les concepteurs de Toyota ont certainement dû voir les escaliers, marches et autres outils qui facilitent cet exercice chez la concurrence? 

En ce qui a trait à l’intérieur des Tundra, il peut passer de très simple à très luxueux selon la finition choisie. Le tableau de bord différera aussi selon le modèle mais, en général, l’emplacement des commandes sera le même. La différence la plus notable sera le choix des écrans pour la navigation et la caméra de marche arrière qui sera de 8 pouces à 14 pouces ! La large console retient le levier de vitesses et certaines commandes pour le remorquage et les fonctions hors-route. Les sièges avant sont confortables avec de bons supports latéraux alors que ceux arrière proposent un grand dégagement pour les jambes, peu importe le choix de cabine. Toutefois, si les deux places aux extrémités de labanquette sont utiles, celle du centre ne servira que de siège d’appoint vu le dégagement pour la tête qui est limité (et que la ceinture de sécurité y est plutôt courte). Cependant, la visibilité, excellente pour les occupants des sièges avant, est plus difficile pour les passagers arrière vu leur positionnement surélevé et l’angle abaissé du pare-brise! Notons que la lunette arrière peut y être ouvrable. Dans le cas de certains modèles plus axés vers la conduite hors-route (comme le TRD Pro), la garde au sol y est très élevée et, pour plusieurs personnes, les marchepieds pourraient s’y avérer nécessaires pouraccéder à (et descendre de) l’habitacle.  

Essairoutier extrême… 

Dire que j’ai fait un essai routier de deux Tundra serait plutôt…modeste! En effet, j’ai collaboré au raid Tacoma to Tundra de l’équipe Truck King (à laquelle j’appartiens depuis plusieurs années) qui s’est déroulé à la fin d’avril de Vancouver à Tuktoyactuk aux Territoires du Nord-Ouest. En fait, nous sommes partis de la partie la plus septentrionale de la Colombie- Britannique (au sud de Vancouver) pour se retrouver au point le plus au nord du Canada, la seule place où l’on peut rejoindre l’Océan Arctique (mer de Beaufort) par route!  

Nous avions donc deux Toyota Tundra, des prototypes pré-production fournis par Toyota Canada pour se faire, un SR5 avec V6 biturbo et le seul TRD Pro hybride au Canada (pour le moment). Toyota nous avait aussi fourni une petite remorque à un seul essieu (qui allait subir un test de torture inimaginable!).  

Après un peu de «vironnage» autour de Vancouver, nous nous sommes dirigés vers le nord de la province, destination Whitehorse au Yukon. Évidemment, autour de la grande ville de Vancouver, le Tundra hybride s’est plutôt distingué au niveau de la consommation. Mais une fois sur les routes provinciales qui mènent aux montagnes, tout a changé.  

Question d’accélération, ne vous inquiétez pas, passer de 0 à 100 km/h peut se faire en moins de sept secondes (plus facilement pour l’hybride mais impressionnant pour le Tundra à moteur de base!). Tous les dépassements se sont faits avec facilité. Rien à signaler de ce côté sauf que dans les montagnes, le modèle qui tirait la remorque (à tour de rôle) consommait beaucoup. La situation s’est résorbée une fois rendue dans la région des plaines (car, il y en a en Colombie-Britannique!) .  

La section la plus excitante fut celle qui nous a menés de Whitehorse au Yukon àTuktoyaktuk aux Territoires du Nord-Ouest. La seule route qui s’y rend est le Dempster Highway, un chemin de gravier compacté de plus d’un mètre d’épais sur le pergilisol (permafrost) qui fait presque 800 kilomètres. Elle nous a mené des régions forestières aux grandes plaines enneigées près de l’Océan. Nous avons roulé à des vitesses de croisière excédant souvent la limite permise mais nos moyennes de consommation se sont quand même situées dans les 13 litres aux 100 kilomètres sans la remorque à une vingtaine de kilomètres aux 100 kilomètres avec la remorque (un vrai mur dans le vent), ce à quoi je m’attendais (des données semblables à celles que j’ai déjà noté avec les Ford F-150 V6). En d’autres mots, une consommation nettement inférieure à celle des «anciens»Tundra à moteur V8 ! D’autre part, la suspension plus tendre du TRD Pro (équipé pour les excursions hors-route) a rendu celui-ci légèrement plus confortable que le SR5. Mais, surtout, nous avons constaté qu’avec la nouvelle suspension arrière à boudins, l’arrière des camionnettes n’avait pas la fâcheuse tendancede danser de gauche à droite quand la route était plus endommagée!  

Nous n’avons eu aucun problème ni dommage (sauf deux petits éclats dans les pare-brise, à peine visible, et un éclat dans la calandre d’un des véhicules). Même pas de crevaison…ce qui nous avait été mis en garde! Incidemment, alors que le TRD Pro avait conservé ses pneus d’origine, des Falken Wildpeak, ceux du SR5 , des Michelin LTX, avaient été remplacés par des Bridgestone Blizzak pour camionnettes…on s’attendait à plus de neige! Nous avons quand même parcouru plus de 5 700 km! Quant à la remorque, les cailloux projetés par chaque camionnette l’ont détruite!  

Comment prédire l’avenir? 

Pour le moment,Toyota semble se contenter de la centaine de milliers de Tundra qu’elle vend par année ce qui est peu si l’on y compare les plus de 700 000 d’unités vendues chaque année par les constructeurs américains. Notons que les usines texanes du constructeur ne font que des modèles de classe 1 (donc pas de classe 2 ou 3 comme des F-250 et F-350). Cette production limitée n’aidera pas Toyota à s’imposer dans la catégorie des camionnettes plus «commerciales» ce qui nous fait conclure que le Tundra est d’abord et avant tout destiné à des utilisateurs privés. Ce serait donc un véritable véhicule de voyage ou de balades malgré le fait que la caisse puisse accepter une charge de 1500 à 1800 livres et que la capacité de traction de remorques soit d’un peu plus de 11 000 livres. Le prix de nos deux véhicules d’essai était de près de 60 000 $ pour le SR5 et plus de 80 000 $ pour le TRD Pro.   

Pour le moment, Toyota semble proposer un véhicule intéressant à ses clients. Cependant, comme je l’ai noté plusieurs fois dans cet article, il manque plusieurs accessoires utiles au catalogue. De plus, en discussion avec l’équipe de Truck King, nous nous sommes demandés combien de temps l’intérêt pour ce modèle durera-t-il car la concurrence accélère le pas vers l’électrification de ses pick-up. Elle vise aussi plus de spécialisations incluant des modèles de performance hors-route impressionnants (comme les Raptor, T-Rex et ZR-2) auxquelles la version TRD Pro ne saura se mesurer (je comparerais celle-ci au plus récents F-150 Tremor et Ram Rebel). Au moins, l’acheteur de Tundra pourra se laisser tenter par des versions de grand luxe comme le 1794 Edition et le Capstone… 

En ce qui a trait à la fiabilité et la robustesse des Tundra, je ne suis pas inquiet. Mais de là à ne pas proposer un peu plus de variété menant à une approche différente (surtout électrique), il y a toute une marche à grimper. Une chose est certaine, Toyota ne pourra donner une vie de sept à huit ans à ses Tundra comme il l’a fait avec la version qui tire actuellement sa révérence… 

(Pour desvidéos en action, vous pouvez consulter You Tube sous la rubrique Truck King…)