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Mary a-telle toujours les deux mains sur le volant ? Quelle direction prend la patronne de GM ?

par Denis Duquet

14 octobre 2019

Lorsque Mary Barra a été nommée à la tête de General Motors en janvier 2014, elle est devenue la première femme à diriger une entreprise de cette envergure dans le monde automobile. Elle est entrée en poste quelques années après les ennuis financiers de ce constructeur qui s’étaient traduits par un dépôt de bilan et une direction nommée par Washington. Son arrivée marquait un renouveau et l’optimisme était de mise.

Et cette personne était fort bien équipée pour gérer une compagnie de cette envergure. En effet, cette ingénieure en génie électrique et détentrice d’un MBA, avait passé toute sa carrière au sein de cette compagnie occupant graduellement des postes de plus en plus importants, étant notamment responsable du développement des nouveaux modèles, de l’approvisionnement de pièces de la part des fournisseurs ainsi que la mission de réduire la prolifération des modèles et des usines de production.

À ses débuts, tout était au beau fixe. Et on a par la suite été impressionné par le fait qu’elle ait tenu tête au président Donald Trump qui tenait mordicus à ce que GM ferme ses usines au Mexique pour concentrer la production aux États-Unis. Elle a refusé d’agir de la sorte malgré les menaces présidentielles.

Sous sa gouverne, GM a accumulé d’importants profits. Mais depuis un certain temps, plusieurs de ces décisions ont été critiquées et plusieurs s’interrogent pour savoir si l’orientation annoncée est la bonne.

Bye-bye Opel

Son premier geste controversé a été la décision de vendre la filiale allemande Opel au groupe français PSA, permettant à cet acheteur de devenir le plus important producteur automobile en Europe. Cette vente comprend non seulement la marque Opel, mais également la marque britannique Vauxhall.

On a expliqué que cette décision avait pour but de colmater les pertes enregistrées année après année par cette filiale européenne et de pouvoir ainsi investir davantage dans le développement mondial des marques propres à GM. À première vue, ce raisonnement peut se défendre, mais on s’interroge doublement lorsqu’on sait que Opel participait à l’élaboration et au développement de certains modèles Buick, entre autres, destinés aux marchés canadien, américain et même chinois. C’est ainsi que la berline Regal vendue au Canada est une version nord-américaine de l’Opel Insignia. Il s’agit d’une voiture proposant un agrément de conduite relevé et possède toutes les caractéristiques permettant à cette marque de retrouver son prestige d’antan.

Parlant de Buick, il faut s’interroger quant à la sagesse des décisions prises par les dirigeants de cette division. En effet, au lieu de tenter de mousser la vente de berlines dont la popularité est en baisse partout sur le marché, on préfère ignorer celles-ci pour inciter les gens à se procurer l’un des nombreux VUS de la marque. C’est se tirer dans le pied si vous voulez mon avis. En plus, le modèle Regal TourX est une version familiale de la berline et c’est un véhicule exceptionnel. Pour des raisons que l’on ignore, ce modèle n’est pas distribué au Canada. Go Buick Go : droit dans le mur.

Et si les économies et l’accumulation de capital enregistré lors de la vente d’Opel devaient permettre des investissements en Chine par exemple, ça tombe mal puisque le marché chinois est en régression et plusieurs usines de différents constructeurs ont été fermées. Parlant de fermetures, Madame Barra y est allée de sa contribution en Amérique.

Pouf ! Un seul coup de baguette a suffi

L’an dernier, grande commotion dans l’industrie automobile alors que la patronne de GM annonçait d'un seul coup la fermeture d’usines en Amérique du Nord. Celles-ci sont : Oshawa (Ontario), -Hamtramck (Michigan), Lordstown (Ohio). De plus, on a sabré dans les effectifs des cols blancs de la compagnie tout cela afin de réorganiser la structure corporative.

Il est certain que les difficultés des négociations avec le syndicat des UAW, qui ne sont pas toujours conclues au moment d’écrire ces lignes, subissent les contrecoups de ces fermetures.

Mais l’incompréhension devient encore plus profonde, lorsqu’on apprend que GM est en négociation avec la compagnie Workhorse qui désire acheter l’usine d’assemblage de Lordstown en Ohio. Avant d’annoncer sa fermeture, on y fabriquait la Chevrolet Cruze qui jouissait pourtant d’une certaine popularité.

Si jamais Workhorse devient acquéreur de cette usine, il prévoit fabriquer des fourgonnettes et camionnettes 100 % électriques. Ce qui est quand même un peu ridicule puisque GM décide de fermer cette usine pour pouvoir mieux investir dans les véhicules électriques et la vend à une compagnie déjà en mesure d’en produire.

Il faut espérer qu’il y a une entente pour que les deux parties puissent se partager la production de ces véhicules.

Parlons-en des voitures électriques!

Les récentes décisions incluant le congédiement de milliers d’ouvriers, de fermeture d’usines, de vente de la filiale Opel, tout ça à un but, c’est de pouvoir bénéficier d’importantes sommes d’argent afin d’investir dans le développement de voitures autonomes et électriques.

De prime abord, cela se tient, mais pour l’instant, sur notre marché, seule la Chevrolet Bolt à propulsion électrique est offerte. On a trucidé la Volt que l’on avait améliorée pour 2019 parce qu’on a fermé l’usine où on la produisait. Pourtant, c’était le best-seller des voitures hybrides rechargeables et le taux de satisfaction était l’un des plus élevés de l’industrie. Si vous y trouvez une certaine logique, ce n’est pas mon cas.

En plus, alors que plusieurs constructeurs annoncent des nouveautés à brève échéance en matière de véhicules électrifiés, les annonces du constructeur de Détroit se font attendre. Volkswagen entre autres met les bouchées doubles pour électrifier la majorité de sa gamme de véhicules d’ici 2025. Et malgré les multiples annonces que Tesla ferait faillite, la compagnie d’Elon Musk est toujours le plus important producteur de voitures électriques au monde et jouit d’une très grande popularité sur le marché chinois, le plus important marché automobile au monde. Quant à GM, il faut souligner qu’il a dévoilé récemment la Buick Inspire, une voiture concept 100 % électrique qui devrait théoriquement être vendue en Chine.

Et si Madame Barra a l’intention d’investir des milliards pour le développement des véhicules autonomes, elle devra avoir les coffres bien remplis puisqu’on prévoit que ce secteur de l’automobile ne sera pas un fait accompli partout sur notre marché avant une décennie. C’est de la planification à très, très long terme !

Pendant ce temps, les négociations avec les travailleurs en grève piétinent toujours au moment d’écrire ces lignes et les experts affirment que GM a déjà perdu plus d’un milliard de dollars. Sans oublier que le manque d’approvisionnement de certains modèles leur fait perdre des ventes.

J’espère de tout cœur, que Madame Barra a toujours les deux mains sur le volant et qu’elle ne conduira pas le géant américain droit dans le mur suite à de mauvaises décisions. Après tout, quand on gagne en salaire annuel plus de 25 millions de dollars canadiens, on n’a pas droit à l’erreur.