Au cours d’une carrière s’étalant sur plusieurs décennies en tant que chroniqueur automobile, Denis Duquet en a vu de toutes les couleurs. Chaque semaine, il se remémore le passé...
Le Salon de l’auto de Genève est l’un des plus importants événements automobiles de la planète. Tous les grands constructeurs se font un devoir d’y dévoiler de spectaculaires nouveaux modèles tandis que les petits constructeurs artisanaux ont droit au chapitre eux aussi en y présentant une multitude de nouveautés.
Ce fut également en 1995 l’événement choisi par l’écurie helvétique Sauber pour y dévoiler sa toute nouvelle équipe de Formule 1 et par conséquent l’un de ses plus importants commanditaires, la boisson énergétique Red Bull. Il faut savoir qu’à cette époque, cette boisson n’était pas distribuée en Amérique du Nord et elle était même interdite dans certains pays européens, la France notamment. Tout simplement parce que l’un de ses ingrédients, la taurine, ne faisait pas l’unanimité.
Mais puisque cette marque en était pratiquement à ses débuts, j’étais plus ou moins informé de ce que c’était et de ses effets énergétiques. Cependant, la conférence de presse de l’écurie Sauber m’a permis de le découvrir.
Peter Sauber
Toute personne qui a visité un salon automobile, que ce soit lors des journées réservées à la presse ou celles pour le grand public, la visite des lieux s’effectue dans un environnement très sec, et la présence de tapis ne fait qu’empirer les choses. Tant et si bien, qu’en fin d’après-midi, j’avais eu beau m’abreuver à plusieurs kiosques de constructeurs où on y offrait de l’eau minérale, des boissons gazeuses et même de l’eau ordinaire, j’étais encore assoiffé. C’est donc la luette collée au palais que je me suis présenté à la conférence de presse de l’équipe suisse de Formule 1. Pour Peter Sauber, la mise sur pied de cette écurie de haut niveau était l’aboutissement d’une carrière consacrée au sport automobile. En effet, pendant plusieurs années, les voitures Sauber d’endurance propulsées par les moteurs V12 de Mercedes-Benz avaient dominé la scène internationale des épreuves d’endurance. Un jeune Michael Schumacher était l’un des pilotes de cette écurie.
Cette fois, on avait réservé une salle dans l’immense Palexpo situé tout près de l’aéroport Cointrin de Genève. Je me suis toujours intéressé à la Formule 1, et j’avais hâte de voir de quoi retournait cette nouvelle voiture propulsée par un moteur Ford et dont les pilotes étaient Hans Harald Frentzen et Karl Wendliger. Soulignons au passage que ce dernier a été victime d’un très sérieux accident dans le cadre du Grand Prix de Monaco de cette même année, ce qui mit fin à sa carrière malgré un retour peu convaincant à la fin du calendrier.
Il est vrai que la voiture, les pilotes et la livrée de la carrosserie étaient en vedette, mais le premier rôle avait été confié au commanditaire Red Bull. J’étais assoiffé et comme la plupart des présentations s’effectuaient en allemand et que la traduction était absente, j’avais de la difficulté à me concentrer. Cependant, j’étais assis tout près d’une réplique de canette Red Bull géante qui servait de glacière. C’était pour le public présent, donc, j’ai étiré le bras et j’ai pris une canette.
J’ai été quelque peu déçu de constater que la capacité du contenant était relativement faible et je l’ai bue en quelques gorgées. Malgré les qualités du Red Bull d’être en mesure d’étancher la soif, du moins c’est ce que je croyais, j’en ai pris une seconde, une troisième et même une quatrième. Situation désespérée, moyens exceptionnels.
C’est un peu plus tard que j’ai réalisé que ce breuvage était vraiment énergétique et lorsque consommé en quantité immodérée, ses effets peuvent être passablement impressionnants. C’est vrai, je débordais d’énergie et j’avais même un « buzz » qui m’a permis de compléter ma visite du salon avec grande énergie. J’étais vraiment « boosté ». Et j’en avais quasiment des palpitations. Avec pour résultat que j’ai passé la nuit à contempler le plafond de ma chambre d’hôtel, l’effet actif de cette boisson qui donne des ailes, tardant à se dissiper. J’avais vraiment découvert ce qu’était le Red Bull.
Quant à la suite de l’écurie Suber, la seconde année, son commanditaire principal est devenu Petronas, la pétrolière asiatique. Puis, après plusieurs péripéties, le constructeur allemand BMW est devenu actionnaire majoritaire de 2006 à 2009 avant de revendre l’écurie qui est redevenue Sauber F1. Puis, en 2018, une association avec le constructeur italien Alfa Romeo a permis de transformer l’écurie en Alfa Romeo F1.
Soulignons également que Jacques Villeneuve a fait partie de l’écurie BMW Sauber en 2005 et 2006. Au cours de cette seconde année de contrat, il a quitté avant la fin de la saison.
Au fil de ces années, l’acquisition de l’écurie Jaguar par l’entreprise Red Bull a permis au producteur de cette boisson énergétique de s’afficher en tant que Red Bull Aston Martin.
Quant à moi, je me souviens encore de cette « Brosse » au Red Bull qui m’a tenu éveillé toute une nuit.