Cette année marque le 40e anniversaire de la fin de l’aventure DeLorean alors que les derniers modèles produits, des versions 1983, s’entassaient dans la cour de l’usine située en banlieue de Belfast en Irlande du Nord. Ce dépôt de bilan a mis un point final à la carrière pourtant fort brillante à ses débuts de John DeLorean. Cet ingénieur doué, promu au second plus important poste chez General Motor, a quitté le géant américain en 1973 pour se lancer à l’aventure de la fabrication
d’une automobile portant son nom. Ce geste était le dernier d’une évolution qui a vu un homme progresser vers l’attrait de la célébrité et du Jet Set
Ingénieur brillant.
John Zachary DeLorean est né en banlieue de Détroit en 1926. Son père était un immigrant roumain qui travaillait pour la compagnie Ford. Alcoolique et violent, il n’a pas facilité la tâche de son fils qui a quand même obtenu son diplôme d’ingénieur avant d’être embauché par la compagnie Packard en 1952. Il s’y est bâti une enviable réputation, notamment en apportant de nombreuses améliorations à la boîte de vitesses automatique de ce constructeur et il a déposé plusieurs brevets à ce chapitre. En très peu de temps, dans le cadre très étroit du monde automobile de Détroit, il s’est bâti une forte enviable réputation. À tel point qu’il est recruté par la division Pontiac en 1956.
À l’époque, les acheteurs de la marque étaient généralement âgés, plus intéressés par le confort de la suspension que les performances . Ce qui avait pour effet de ne pas attirer les jeunes acheteurs, fort nombreux à l’époque. Devenu ingénieur en chef de cette division en 1961, il transforme la gamme de modèles, notamment en développant des voitures plus agréables à conduire et surtout plus performantes. C’est ainsi qu’il a inséré sous le capot de la modeste Tempest un V8 de 389 p.c. emprunté à la grosse Bonneville, la légendaire GTO était née.. Et pour compenser l’arrivée de la Chevrolet Camaro sur le marché, DeLorean concoctera la Firebird.
En fait, il a tellement transformé la marque Pontiac que lorsqu’il a quitté pour Chevrolet en 1969, celle-ci était en troisième position derrière les marques Chevrolet et Ford. En plus, la transformation de l’image de Pontiac en en fait une vedette aux États-Unis et il a complètement changé de personnalité. Jusqu’à ce moment, il se contentait de respecter les normes du géant américain en s’habillant de façon conservatrice et en agissant selon le code corporatif. Par la suite, il a changé ses vêtements, abandonné souvent la cravate et il a même eu recours à la chirurgie esthétique pour modifier son menton en plus de s’astreindre à un régime rigide d’exercices physiques qui ont transformé son physique. Il était devenu une superstar et il se plaisait en compagnie des vedettes hollywoodiennes.
Lorsqu’il est arrivé chez Chevrolet, la plus importante division de General Motor, la marque éprouvait de sérieuses difficultés au chapitre des ventes et la qualité de ses véhicules avait décliné. DeLorean a
instauré une politique de qualité d’assemblage et de fabrication, nommant ainsi plus de 200 inspecteurs à l’usine Lordstown dans l’Ohio. C’est non seulement un ingénieur de talent, mais il était également très doué pour analyser les tendances du marché et offrir au public ce à quoi celui-ci s’attendait.
Ensuite, il est devenu vice-président de GM, étant le plus jeune à ne jamais atteindre ce poste. De plus, dans les milieux automobiles de Détroit, on était convaincu qu’il allait être le futur grand patron de la plus importante compagnie au monde.
Cependant, à la surprise générale, il démissionne en 1973 et annonce son désir de construire la voiture du futur. Il entame alors la conception et le développement de la voiture qui allait s’appeler DMC 12 et qui allait être spectaculaire d’allure et publicisée partout sur la planète. Mais qui sera un échec monumental.
Le rêve impossible
On a beau être un ingénieur doué et un dirigeant qui a connu des résultats spectaculaires chez le premier constructeur de la planète, lancer sa propre compagnie automobile n’est pas une tâche facile. Il faut d’abord beaucoup d’argent et pour ce faire il faut intéresser des investisseurs qui ont les poches profondes.
Mais pour inciter les gens à investir, il faut offrir une voiture. DeLorean s’est tourné vers Giugiaro et ItalDesign pour le design de la carrosserie et il faut avouer que le résultat était spectaculaire. Selon les
canons esthétiques de l’époque, les angles aigus, le capot allongé et l’arrière tronqué ainsi que les portes en aile de mouette sans oublier la carrosserie en acier inoxydable sont autant d’éléments qui ont rendu la voiture spectaculaire aux yeux de la planète entière. D’ailleurs, même de nos jours, sa silhouette est incontournable.
Avec ce prototype, notre entrepreneur tente de convaincre des centaines de concessionnaires aux États-Unis de promettre d’acheter un certain nombre de voitures. Mais malgré la promesse de 30 000 véhicules vendus, ces démarches financières ne sont pas couronnées de succès.
Cependant, le gouvernement britannique s’intéresse à ce projet et supporte l’effort DeLorean en finançant la construction d’une usine en banlieue de Belfast en Irlande du Nord. À cette époque, la situation sociale est fortement perturbée en raison des conflits entre catholiques et protestants. Presque à chaque journée, des échauffourées, des explosions de bombes et autres événements spectaculaires se produisent.
Le gouvernement britannique investit donc plus de 100 millions de livres et l’aventure commence. L’usine est fabriquée par Renault et le tout s’est déroulé en moins de deux ans. Mais si l’infrastructure est en place, il est important de souligner que les 2000 travailleurs engagés n’ont aucune expérience de construction automobile. Par ailleurs, la conception finale du véhicule se poursuit et un consultant de prestige est associé à l’équipe. En effet, le réputé Colin Chapman remplace l’ingénieur américain Bill Collins afin d’être toujours aux avant-postes des médias, DeLorean a préféré s’associer à un homme de très grande réputation sportive et technologique qui était Colin Chapman.
Les premières voitures à sortir des chaînes de montage sont d’une finition inégale, la qualité d’assemblage est inquiétante et les fameuses portes en aile de mouette refusent souvent de s’ouvrir, emprisonnant les occupants. Tant et si bien, que les premières unités exportées aux États-Unis ne sont pas vendues, les concessionnaires refusant de les confier à des acheteurs tant la qualité était abominable.
Même lorsque les voitures suivantes sont finalement jugées bonnes à être vendues, le public ne répond pas malgré la réputation du fondateur de la compagnie et de l’élégance de la carrosserie. En fait, la voiture se vend plus cher qu’une Corvette par exemple qui propose des performances nettement supérieures et une meilleure tenue de route. Le principal problème en plus de la qualité d’assemblage était le moteur V6 Peugeot-Renault-Volvo qui ne produisait que 130 chevaux et dont le rendement n’était pas tellement impressionnant.
Comme les revenus ne rentrent pas dans les coffres, la compagnie s’est retrouvée en situation de dépôt de bilan. En plus, le gouvernement britannique a effectué inspection comptable des livres de la
compagnie pour découvrir qu’on avait détourné 17 millions de livres dans un compte offshore. Un dirigeant de Lotus a été inculpé et emprisonné tandis que Colin Chapman est soudainement décédé d’une crise cardiaque et supposément enterré le jour suivant. D’après les informations obtenues, seuls sa femme et le médecin qui a signé le certificat de décès auraient vu le cadavre. Selon plusieurs rumeurs, Chapman se serait enfui en Amérique du Sud pour échapper à la justice britannique. Quant à DeLorean, comme il n’est jamais retourné en Grande-Bretagne, il a évité la prison.
Cependant, ses ennuis juridiques se sont manifestés en Amérique alors qu’il a été accusé de complot pour importer des millions de dollars de cocaïne afin de renflouer les coffres de sa compagnie. Heureusement pour lui, il n’a pas été reconnu coupable devant la justice alors qu’on a précisé
qu’il avait été piégé par le FBI. Malgré tout, il est ruiné, sa réputation démolie et bien entendu l’usine irlandaise fermée à tout jamais.
Après carrière
Si les DMC 12 ne se sont pas tellement vendus, la voiture a connu un grand succès au cinéma, étant la
vedette principale de la série de films « Retour vers le futur » mettant en vedette Michael J. Fox et Christopher Loyd. La silhouette très particulière de ce coupé sport ainsi que les modifications apportées aux modèles utilisés lors du tournage ont rendu la voiture incontournable aux yeux du grand public. D’ailleurs, de nos jours, plusieurs jeunes croient que cette voiture a été conçue spécialement pour les besoins des films. Ils sont surpris lorsqu’elles apprennent l’histoire et l’origine de la DeLorean.
Au fil des années qui ont suivi la fermeture de l’usine, plusieurs tentatives ont été mises en place pour
relancer la marque. Après la déconfiture de 1982, une corporation américaine a racheté l’inventaire de l’usine et a complété l’assemblage des véhicules qui pouvaient être complétés et ils ont été vendus sur le marché américain. Un Américain a racheté les droits de la faillite et a lancé une nouvelle compagnie DeLorean. Aux dernières nouvelles, cette nouvelle version redessinée et à quatre places serait à propulsion électrique et commercialisée en 2024.
Quant à John DeLorean, il a tenté sans succès au cours des années 80 de relancer sa compagnie, mais il était ruiné et sa crédibilité était pratiquement nulle. Il est décédé d’un AVC en 2005.