Le musée Schlumpf : Une histoire invraisemblable

texte de Denis Duquet

· Histoire automobile,Histoire de chars

L’histoire du plus important musée automobile du monde est vraiment hors de l’ordinaire. En effet, les deux frères Schlumpf, Hans et Fritz, ont regroupé la plus importante collection automobile de la planète. Leurs acquisitions se sont surtout effectuées entre 1961 et 1967. Par la suite, on a pratiquement cessé les achats de voitures de collection pour se consacrer à la restauration de plusieurs d’entre elles.

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Leur aventure débute lorsque leur mère retourne à Mulhouseen France suite au décès de son mari en 1919. C’est dans cet environnement que les deux frères deviennent des hommes d’affaires prospères et qu'après la grande dépression ils sont devenus immensément riches suite à d’heureuses spéculations. Puis, à partir de 1935, les deux frères investissent dans l’industrie du textile, aventure qui les rendra encore plus riches. Ils s’immiscent dans l’industrie textile en achetant leur première usine en banlieue de Mulhouse puis deviennent encore plus influents et plus riches en achetant de
multiples autres filatures en Alsace.

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Fritz le collectionneur

Fritz s’est procuré sa première Bugatti en 1935, mais rien ne semble le destiner à amasser la plus importante collection d’automobiles de la planète. En fait, ce n’est qu’en 1960 que sa passion pour les automobiles d’exception prend de l’ampleur. En fait, de 1961 à 1967, il accumule plus de 560 voitures. Il est particulièrement passionné par les Bugatti et il se procure tous les modèles qu’il peut. Comme
la célèbre marque française avait son usine dans la région, il lui était plus facile de se procurer des modèles, des pièces de rechange et tout ce qui touche la marque en général. D’ailleurs, en 1963, Bugatti est vendu à Hispano-Suiza et notre collectionneur s’empresse d’acquérir les documents relatifs à la marque, des machines de production ainsi que la Bugatti Royale, la voiture personnelle
d’Ettore Bugatti.

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En plus, plusieurs des voitures de cette marque sont restaurées dans les ateliers de Bugatti qui, compte tenu de l’importance des modèles restaurés, fait bénéficier, MonsieurSchlumpf, de tarifs réduits.

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Sa passion pour la marque française l’incite même à acheter des collections complètes. C’est ainsi qu’il s’est procuré l’ensemble de la collection de l’Américain John Shakespeare en 1963. Celle-ci comprenait une autre Bugatti Royale, l’un de six exemplaires produits. Pour entreposer et disposer la collection, il installe toutes ces voitures dans trois usines de filature de Mulhouse, dont l’une deviendra le musée actuel.

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Puis, en 1966, plus d’une trentaine d’employés s’affaire à la restauration des modèles acquis puisque certains d’entre eux sont de véritables épaves. Cependant, l’atelier de restauration est tellement complet qu’on peut même y fabriquer des pièces similaires à celle d’origine sans oublier un atelier d’ébénisterie et de maroquinerie.

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La crise

Malheureusement pour nos collectionneurs, une crise dévastatrice frappe l’industrie du textile au début des années 70. Les entreprises des deux frères n’y échappent pas. D’autant plus, que les multiples ponctions dans la trésorerie de l’entreprise pour financer les acquisitions de voitures ont
fragilisé l’entreprise. Bref, on doit mettre la clé sous la porte.

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En 1977, un commando de travailleurs prend possession de l’usine qui est devenue un musée et va l’occuper pendant deux ans. Les employés veulent que l’on vende les voitures pour les dédommager de leur perte d’emploi. Le procès de la faillite est interminable. En plus, Fritz doit faire face à la justice pour abus de biens sociaux et fraude fiscale. Ce procès se terminera par la confiscation de sa collection de voitures.

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Mais l’État français se rend compte que ce serait catastrophique de disperser cette collection et le 14 avril 1978, la collection est inscrite à l’inventaire des monuments historiques. Puis, en 1980, la
justice autorise la vente de l’ensemble de la collection et des bâtiments pour une somme de 44 millions de francs à l’Association du musée national de l’automobile, nouvellement créé. Cette association a été fondée en collaboration avec la ville de Mulhouse, le département du Haut-Rhin, la région d’Alsace, la chambre de commerce sud Alsace et l’Automobile club de France. Cet amalgame a permis de mettre en place un musée exceptionnel, toujours ouvert de nos jours et que l’on peut visiter. En fait, le 18 juillet 1982, le musée est ouvert au public. Puis, en 1989, le musée est rebaptisé « Cité de l’automobile-musée national-collection Schlumpf ».

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Réfugié en Suisse, Hans n’est jamais retourné en Alsace où il risquait d’être séquestré. Il décède en 1989 tandis que son frère Fritz meurt en 1992, lui aussi en Suisse. Il ne retournera qu’une fois visiter son musée, soit en 1990.

Le but final de nos deux collectionneurs était de rendre leur trésor accessible au public et on s’apprêtait à le faire avant de sombrer dans l’insolvabilité. Malgré tout, leur rêve s’est matérialisé quand même.