Lexus débarque en Amérique. Et on a mis le paquet !

Texte: Denis Duquet

· Histoire de chars,Histoire automobile

Denis Duquet est chroniqueur automobile depuis plusieurs décennies. Il nous raconte quelques événements dont il a été témoin. Cette fois, c'est l'arrivée de Lexus en Amériwue

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En 1989, Toyota présente sa nouvelle division Lexus, dont la mission est de concurrencer les grandes marques allemandes de luxe que sont Mercedes-Benz et BMW entre autres, sans oublier également les concurrents japonais Acura et Infiniti. L’arrivée de cette nouvelle marque bouleversera le paysage automobile de façon spectaculaire, poussant même la vénérable marque Mercedes-Benz à réviser ses façons d’opérer.

 

En effet, à l’été 1989, les journalistes automobiles sont convoqués dans la petite municipalité d’Elkhart Lake dans l’état du Wisconsin pour y dévoiler les premières berlines de cette marque. Il s’agit d’un duo comprenant la LS 400, une berline de haut de gamme ciblant la Mercedes-Benz Classe S, et la ES250 qui nous semble à l’époque n’avoir d’autre but que d’étoffer l’offre de Lexus. Il s’agissait en fait d’une version japonaise de la Camry qui avait été déguisée en Lexus. Le représentant canadien présent à l’événement n’a trouvé qu’une seule chose à dire à propos de cette voiture : l’applique en bois de la planche de bord est réalisée en érable canadien. Wow !

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Lexus LS400

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Lexus ES250

Une intense préparation

Il va sans dire que les représentants japonais présents à ce dévoilement étaient quelque peu nerveux. Ils avaient raison puisque l’élaboration de cette nouvelle marque a requis une implication fort importante de la part de Toyota. Le projet a débuté en 1983 et des moyens pratiquement hors de l’ordinaire ont été utilisés pour le développement de cette voiture. En effet, plus de 60 designers, 24 équipes d’ingénieurs, 1400 ingénieurs, 1500 techniciens sans oublier plus de 130 travailleurs : ont participé à l’élaboration de la LS 400. Et s’il faut se fier aux communiqués de presse de l’époque, on avait réalisé plus de 450 prototypes afin d’arriver au modèle définitif qui nous était présenté.

À première vue, la voiture affichait une étonnante ressemblance avec les grosses berlines de Mercedes-Benz, mais chez Lexus on s’en défendait. Il faut souligner que la mise en place des infrastructures de la division Lexus a été la réalisation de Jim Perkins qui avait été débauché de chez General Motors pour le développement de cette nouvelle marque et ses infrastructures.

Curieusement, quelques mois avant le lancement des nouvelles voitures, Perkins a réintégré GM pour y gérer la division Chevrolet qui connaissait des difficultés. Il a même sauvegardé la Corvette que l’on voulait abandonner pour des raisons d’économie.

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Il a été remplacé par le très peu sympathique J. Davis Illingsworth qui avait un air fendant et qui était d’une arrogance assez spectaculaire. Détail à souligner, un de ses ancêtres avait été un officier de l’armée confédérée, ce qui ne serait pas vraiment très bien vu de nos jours.

Essais routiers particuliers

Après des présentations grandiloquentes vantant de façon exagérée les mérites des nouvelles venues, nous avons été invités à faire un essai routier sur des routes sélectionnées pour bien faire paraître cette grosse berline qui bénéficiait d’un tout nouveau moteur V8 de 4,0 litres. Quant au modèle ES250, l’essai a été de courte durée puisque plus on conduisait cette voiture, plus on y découvrait des défauts.

On nous a ensuite dirigés en après-midi à la piste Road America, légendaire circuit routier qui a accueilli de nombreuses épreuves internationales de course automobile. Et pour comparer cette nouvelle merveille qu’était la LS 400, on avait amené une Mercedes-Benz de Classe S et une BMW de Série sept. Il faut cependant souligner que ces voitures étaient loin d’être des véhicules neufs et ils affichaient plusieurs dizaines de milliers de milles au compteur. De plus, ils ne semblaient pas avoir été préparés pour cavaler sur ce circuit routier. Les pneus étaient juste corrects, les frais étaient adéquats sans plus tandis que les suspensions avaient connu de meilleurs jours.

Chaque journaliste pouvait effectuer quatre tours de piste avant de revenir dans les puits. Un autre journaliste prenait le volant et il pouvait également effectuer le même nombre de tours. Une fois ces deux essais conclus, la voiture était dirigée dans un endroit situé un peu plus loin dans les puits et là on procédait au changement des quatre pneumatiques, des pastilles de freins au besoin et vérifier également une foule d’autres paramètres avant de remettre la voiture sur la piste. On se serait quasiment à des essais en Formule 1.

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Road America

Par contre, les deux grosses berlines allemandes roulaient sans cesse, sans qu’on ne prenne aucune précaution quant à l’usure des pneus et des freins. Les voitures étaient pilotées telles quelles.

Malgré ces comparaisons quelque peu boiteuses, aussi bien la Mercedes-Benz que la BMW ont été à la hauteur de leur réputation aussi bien en fait de précision de la direction, de la tenue de route et des performances des moteurs même si ceux-ci avaient plusieurs milles derrière ses pistons.

Bilan mitigé

Ces essais sur le circuit routier ont confirmé ce que notre expérience de conduite sur les routes avoisinantes nous avait permis de déceler. La LS 400 était une berline d’une finition incomparable, proposant des matériaux de très grande qualité et dont le moteur était d’une grande souplesse. La boîte automatique passait également les rapports de façon imperceptible. Par ailleurs, la direction n’offrait pratiquement pas de rétroaction de la route, elle était sur assistée tandis que la caisse avait tendance à rouler dans les virages.

De plus, elle était sous-vireuse de façon assez spectaculaire. Tous ces éléments ont été confirmés lors des essais en piste. Et malgré le fait que toutes les voitures Lexus qui circulaient sur le circuit avaient été bichonnées comme ce n’était pas possible, on ne pouvait que conclure qu’il s’agissait de voitures de grand luxe beaucoup plus destinées à circuler sur les grands boulevards et les autoroutes qu’à vouloir affronter les allemandes en fait de performance, de comportement routier et d’agrément de conduite.

On dorlote les clients

Cependant, bien que la Lexus LS 400 n’offrait pas le même agrément de conduite que ses concurrentes, elle a connu un impressionnant succès dès ses débuts. La raison ? En premier lieu, il y avait cette aura de fiabilité attachée à la marque Toyota et les gens se disaient que celle-ci devait se transporter dans cette division de véhicules de luxe. Et ils avaient raison. Par la même occasion, les concurrentes allemandes étaient loin d’offrir la même fiabilité.

Mais ce qui a fait la grande différence, c’est que les clients de Lexus étaient traités comme des rois. À l’époque, un petit tour chez un concessionnaire allemand, est un exercice de frustration alors qu’on vous faisait pratiquement une faveur de s’occuper de votre auto. Lexus a été la première marque à aller chercher les véhicules chez les clients et les retourner par la suite une fois l’entretien ou les réparations effectués.

Et mieux encore, on avait pris le soin de laver la voiture. Et tout cela à un prix nettement inférieur à celui de la concurrence allemande. Et la division Cadillac de GM a été pratiquement éclipsée. Par contre, on s’est rapidement repris quant au prix demandé alors que les tarifs exigés ont rapidement grimpé au fil des années, mais sans que cela affecte les chiffres de ventes qui ont continué à progresser.

Présent à ce dévoilement, j’étais loin d’être convaincu d’assister à un moment historique dans l’histoire de l’automobile, mais c’est pourtant ce qui est arrivé. On connaît le reste de l’histoire.

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